vendredi 29 décembre 2023

Les effets asymétriques des variations du salaire minimum

A partir de fin 2015, l’administration du comté de Johnson, dans l’Iowa, aux Etats-Unis, a relevé à plusieurs reprises le salaire minimum local : celui-ci est passé de 7,25 dollars (correspondant à celui en vigueur dans l'Etat) à 10,10 dollars de l’heure. Le salaire minimum du comté de Johnson est resté élevé pendant dix-sept mois, avant que le gouvernement de l’Etat de l’Iowa abolisse les salaires minima des collectivités locales : le salaire minimum du comté de Johnson est ainsi revenu à 7,25 dollars de l’heure. 

mercredi 27 décembre 2023

La consolidation budgétaire peut-elle aider les banques centrales dans leur lutte contre l’inflation ?

L’inflation a fortement augmenté à travers le monde ces dernières années, sous l’effet tout d’abord de la pandémie de Covid-19, puis de la reprise de l’invasion russe de l’Ukraine. Comme lors des précédentes poussées inflationnistes, les banques centrales ont resserré leur politique monétaire pour stabiliser l'inflation à un faible niveau. Dans un récent document de travail du FMI, Jiaqian Chen, Era Dabla-Norris, Carlos Goncalves, Zoltan Matyas Jakab et Jesper Lindé (2023) se sont demandés dans quelle mesure un resserrement de la politique budgétaire peut aider les banques centrales dans leur mission de stabilité des prix.

mercredi 20 décembre 2023

La lutte des banques centrales contre l’inflation alimente-t-elle les tensions financières ?

Les banques centrales affichent pour mission de stabiliser l’inflation à un faible niveau. Mais, qu’elles y fassent explicitement mention ou non dans leur mandat, elles ont également un rôle dans la préservation de la stabilité financière, ne serait-ce qu’en leur qualité de prêteurs en dernier ressort. Or, ces deux objectifs – la stabilité des prix et la stabilité financière – sont loin d’être indépendants l’un de l’autre. En l’occurrence, les décisions de politique monétaire en vue de stabiliser l’inflation peuvent alimenter les risques d’instabilité financière. Ce peut être le cas des assouplissements monétaires, dans la mesure où ils incitent les agents économiques, notamment les plus contraints financièrement, à s’endetter (Grimm et al., 2023). Et ce peut être aussi le cas des resserrements monétaires : une hausse des taux d’intérêt peut fragiliser les emprunteurs, par exemple en alourdissant la charge de leur dette ou en durcissant les conditions d’obtention d’un nouvel emprunt (Schularick et al., 2021)

lundi 18 décembre 2023

Quels facteurs font varier l’inflation mondiale ?

Il y a deux décennies, Kenneth Rogoff (2003) s’était penché sur la forte baisse de l’inflation que l’économie mondiale avait connue depuis les années 1980. Il expliquait notamment celle-ci par la mondialisation et la hausse des exportations en provenance de pays à bas coût comme la Chine, ainsi que par la plus grande crédibilité acquise par les banques centrales dans leur lutte contre l’inflation. En l’occurrence, la mondialisation n’a pas seulement contribué à contenir les prix, elle a pu aussi rendre les prix domestiques plus sensibles aux évolutions internationales.

mercredi 13 décembre 2023

Quels ont été les coûts de l’inflation post-pandémique pour les ménages ?

Après trois décennies de faible inflation, le taux d’inflation a augmenté suite à la pandémie de Covid-19. Dans la zone euro, l’inflation globale a atteint un pic de 10,6 % en octobre 2022. Cette hausse des prix s’explique tout particulièrement par la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires.

vendredi 8 décembre 2023

Dans quelle mesure les dynamiques de l’inflation de la zone euro et des Etats-Unis diffèrent-elles ?

L’inflation a été extrêmement faible aux Etats-Unis et dans la zone euro suite à la Grande Récession. Après les premiers temps de la pandémie de Covid-19, elle est repartie à la hausse, en l’occurrence à partir de mars 2021 dans le cas américain et à partir de juillet 2021 dans le cas européen, pour finir par atteindre des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis les années 1980. En réaction, les banques centrales ont resserré leur politique monétaire : la Réserve fédérale a commencé à relever ses taux d’intérêt en mars 2022 et la BCE en juillet 2022.

mercredi 6 décembre 2023

Le rôle clé de l’éducation dans la réduction de la pauvreté mondiale

Amory Gethin (2023) a cherché à quantifier la contribution de l’éducation dans la réduction de la pauvreté dans le monde. En combinant un modèle d’éducation et la structure des salaires avec des outils dérivés de la comptabilité nationale, il a isolé la contribution de l’éducation à la croissance du revenu réel au sein des pays et entre eux.

Comment la qualité de l’emploi a évolué en vingt ans

La question de la qualité de l’emploi est importante, d’une part, pour les travailleurs qui les occupent, dans la mesure où elle influence leur intégration sociale et joue directement sur leur bien-être et, d’autre part, pour les entreprises, dans la mesure où elle influence la productivité des travailleurs et le risque qu’ils démissionnent. Bien-être et productivité ne sont en effet pas antinomiques : les entreprises ont les salariés sont les plus heureux tendent à être plus productives (Krekel et al., 2019). 

mercredi 29 novembre 2023

Comment les entreprises à forte marge réagissent-elles à la hausse de leurs coûts ? Quelques leçons des chocs et contre-chocs pétroliers

Les entreprises ont eu tendance à gagner en pouvoir de marché ces dernières décennies (De Loecker et al., 2020). Ainsi, lorsque l’inflation a fortement augmenté dans le sillage de la pandémie de Covid-19, essentiellement sous l’effet d’une hausse des prix de l’énergie, certains ont pu espérer que les entreprises absorbent une partie de la hausse des coûts en rognant sur leurs marges plutôt qu’en répercutant la hausse des coûts sur leurs prix de vente, et ce d’autant plus que leurs marges étaient initialement élevées. Dans ce cas-là, l’absorption de la hausse des coûts par les marges contribue à freiner les pressions inflationnistes.

mercredi 22 novembre 2023

Les coûts macroéconomiques de la dollarisation

Lorsqu’un pays est confronté chroniquement à une forte inflation, il peut être tenté d’abandonner sa monnaie pour adopter une devise étrangère. En l’occurrence, il peut être tenté d’adopter le dollar américain, la principale devise internationale, comme nouvelle monnaie : c’est ce qu’on appelle la « dollarisation ». Javier Milei vient d’être élu président de l’Argentine sur la base d’un programme promettant l’abandon du peso pour le dollar. D’autres pays, notamment latino-américains, ont dollarisé leur économie ces dernières décennies, formellement (c’est le cas de l’Equateur en 2000 et du Salvador en 2011) ou informellement (le Venezuela depuis quelques années). 

vendredi 17 novembre 2023

Etats-Unis : l’ampleur exceptionnelle de l’expansion budgétaire lors de la pandémie

Comme dans bien d’autres pays, le Budget joue un rôle clé dans la stabilisation de l’activité économique aux Etats-Unis. Lors d’une récession, les dépenses publiques ont tendance à augmenter et les prélèvements obligatoires à diminuer, si bien que le solde primaire tend à se dégrader, ce qui stimule l’activité économique. Inversement, lors des expansions, les dépenses publiques sont freinées et les prélèvements obligatoires augmentent, si bien que le solde primaire a tendance à s’améliorer et l’activité économique s’en trouve freinée. C’est en l’occurrence le cas des finances publiques au niveau fédéral : comme le notent Brigid Meisenbacher et Daniel Wilson (2023), le solde primaire de l’Etat fédéral évolue très étroitement dans le même sens que le taux de chômage (cf. graphique 1). Ainsi, par exemple, entre 2007 et 2009, lors de la Grande Récession, le taux de chômage s’est rapproché des 10 % et le déficit primaire a en parallèle fortement augmenté.

mercredi 15 novembre 2023

Comment se comporte le taux de chômage naturel lors des reprises

Depuis que Milton Friedman (1968) a introduit le taux le chômage naturel dans son attaque contre la courbe de Phillips, celui-ci est devenu un élément clé de l’analyse macroéconomique mainstream. Chez les nouveaux keynésiens, le taux de chômage naturel est le taux de chômage qui serait observé si l’économie était à l’équilibre ; ce serait celui qui stabiliserait l’inflation. Autrement dit, le maintien du taux de chômage en-dessous du taux naturel se traduirait par des pressions inflationnistes, tandis que le maintien du taux de chômage au-dessus de son niveau naturel se traduirait par des pressions déflationnistes. Les nouveaux keynésiens font l’hypothèse qu’il est à peu près stable au cours du cycle d’affaires, notamment lorsqu’ils se penchent sur le cas de la courbe de Phillips.

vendredi 10 novembre 2023

Quel est l'impact des tensions financières sur l’activité économique ?

Toute étude des crises financières rencontre immédiatement une difficulté : il est difficile de définir et d’identifier clairement celles-ci. Les indicateurs objectifs habituellement utilisés pour mesurer les tensions financières peuvent mal identifier les crises. En effet, ils peuvent réagir à d’autres facteurs que les tensions financières, par exemple les changements dans la politique monétaire, ou bien ne pas saisir certaines manifestations des crises financières, notamment le rationnement du crédit. C’est ainsi que Christina Romer et David Romer (2017) ont proposé de s’appuyer sur des ressources textuelles, en l’occurrence les Perspectives économiques de l’OCDE, et d’y comptabiliser les références aux tensions financières pour construire un indicateur mesurant celles-ci.

dimanche 5 novembre 2023

Quelle est l’empreinte de la Chine sur les marchés financiers internationaux ?

Les développements propres à l’économie américaine, notamment l’action de la Réserve fédérale, jouent un rôle crucial dans l’évolution des marchés financiers internationaux (Miranda-Agrippino et Rey, 2020). Les répercussions de l’économie chinoise sur les marchés financiers internationaux ont été moins étudiées, notamment en raison du moindre degré de développement économique et d’ouverture financière de la Chine. Or, elles ne sont guère négligeables, comme ont pu l’illustrer les inquiétudes suscitées sur les marchés financiers internationaux par le ralentissement de la croissance chinoise en 2015 et, plus récemment, par les problèmes relatifs au secteur immobilier chinois. Et de telles répercussions sont susceptibles de gagner en intensité, à mesure que l’économie chinoise s’ouvre financièrement et contribue à une part croissance de l’économie mondiale.

samedi 4 novembre 2023

L’économie, la discipline la plus élitaire ?

La science économique manque de diversité. Les femmes et les minorités ethniques sont sous-représentées dans la profession des économistes, que l’on regarde relativement à l’ensemble de la population ou bien relativement aux autres disciplines universitaires (Bayer et Rouse, 2016 ; Lundberg et Stearns, 2019 ; Ginther et Kahn, 2021 ; Sagot, 2021). Cela signifie que la science économique risque de se priver de talents et de souffrir d'une étroitesse de points de vue, c’est-à-dire de manquer d'« efficacité », notamment dans sa formulation de propositions en matière de politiques publiques.

vendredi 3 novembre 2023

Le miracle chinois : une histoire de quantité de travail ?

Au cours des trois dernières décennies, la Chine a enregistré des niveaux de croissance particulièrement élevés, lui permettant de fortement accroître son PIB par tête (cf. graphique). Beaucoup ont attribué l’essentiel de ce miracle à l’offre de travail favorable dont aurait bénéficié la Chine grâce à son dividende démographique : malgré la politique de l’enfant unique, la population chinoise a fortement augmenté, ce qui a permis une forte hausse de la part de la population en âge de travailler. Dans la mesure où ce dividende démographique est en train de s’effacer, beaucoup craignent que la croissance chinoise s’en trouve pénalisée. Ces craintes ont notamment conduit à un nouveau desserrement de la politique de fertilité en 2021, sept ans après l’abandon de la politique de l’enfant unique.

mardi 31 octobre 2023

Comment les chocs d’offre sur l’inflation se généralisent-ils ?

Alors que l’inflation était restée faible et stable en 2020, elle a commencé à augmenter début 2021. Suite à la première vague de confinement au printemps 2020, la demande a rapidement rebondi, stimulée notamment par le soutien budgétaire des gouvernements et les politiques monétaires accommodantes. Les nouvelles vagues épidémiques et le maintien de mesures sanitaires ont ensuite continué de contraindre l’offre, comme le montre la hausse de la part d’entreprises déclarant souffrir de problèmes d’approvisionnement et de contraintes en matière de travail (Celasun et al., 2022 ; di Giovanni et al., 2022 ; Finck et Tillmann, 2022). Les prix de l’énergie ont commencé à augmenter en 2021, pour ensuite exploser l’année suivante avec la reprise de l’invasion russe de l’Ukraine.

dimanche 29 octobre 2023

Quand la hausse des prix du carburant déclenche-t-elle des conflits sociaux ?

Malgré les progrès (encore bien timides) vers la neutralité carbone, les carburants fossiles demeurent la principale source d’énergie. Ils n’ont guère de substitut et répondent à des besoins jugés essentiels. Une hausse du prix des carburants ne détériore pas seulement le pouvoir d’achat des ménages et la rentabilité des entreprises (ce qui en fait d’ailleurs un facteur de propagation de l’inflation) ; elle contraint la mobilité géographique en alourdissant les coûts de transport. En conséquence, elle est susceptible d’alimenter des conflits sociaux (Natalini et al., 2020 ; McCulloch et al., 2022). C’est fréquemment le cas des pays en développement, comme par exemple Haïti en juillet 2018, le Zimbabwe en janvier 2019 et le Nigeria en septembre 2020, mais les pays développés n’en sont pas épargnés, comme l’illustre le mouvement des gilets jaunes en France il y a cinq ans. Parfois, les mobilisations provoquées par les hausses du prix des carburants entraînent de véritables révolutions : ce fut le cas en Birmanie en 2007 ou plus récemment au Sri Lanka en mai 2022.

samedi 28 octobre 2023

La corruption tue

Les catastrophes naturelles sont inévitables, mais non la sévérité de leurs répercussions. Celle-ci dépend notamment de l’efficacité des secours, de la qualité des services de soins et de l’adoption et du respect de normes de sécurité en matière de construction. Ainsi, alors que la population mondiale augmenté, le nombre de morts occasionnés par les désastres naturels a fortement diminué depuis un siècle, notamment via l’amélioration des niveaux de vie (cf. graphique).

jeudi 26 octobre 2023

La pénalité associée à la grand-maternité

Le vingtième siècle a été marqué par un rattrapage des taux d’activité et des salaires des femmes relatives à ceux des hommes (Goldin, 2014). Mais cette convergence a eu tendance à ralentir ces toutes dernières décennies. La littérature a rattaché l’existence et la persistance des inégalités de genre sur le marché du travail aux inégalités de genre dans la répartition du travail domestique, en particulier la garde d'enfants (Bertrand et alii, 2010 ; Meurs et Pora, 2019). Plusieurs travaux ont mis en évidence l’existence d’une véritable « pénalité associée à la maternité », se traduisant par une chute significative et durable des rémunérations des femmes (et non de celle des hommes) immédiatement après l’arrivée du premier enfant (Kleven et al., 2019b ; Kleven et al., 2019a). Or, la garde des enfants en bas âge n'est pas la seule activité dont les femmes prennent en charge de façon disproportionnée. Il y a aussi la garde des petits-enfants. 

lundi 23 octobre 2023

Dans quelle mesure l’offre et la demande ont-elles contribué à l’inflation ces dernières décennies ?

Après être restée très faible dans le sillage de la Grande Récession, l’inflation a fortement augmenté suite à l’épidémie de Covid-19 (cf. graphique 1). Dans les pays développés, elle a retrouvé des niveaux qu’elle n’avait plus atteints depuis les années 1970. Certains mettent particulièrement en avant des facteurs du côté de la demande, en particulier les mesures de soutien budgétaire adoptées par les gouvernements, pour expliquer cette hausse de l’inflation (Furman, 2022 ; De Soyres et al., 2022). D’autres relient celui-ci à des facteurs du côté de l’offre, notamment les perturbations des chaînes de valeur (Di Giovanni et al., 2022). Or, l’identification des sources exactes de l’inflation peut s’avérer cruciale pour concevoir la réponse des banques centrales et des autorités budgétaires à l’inflation.

samedi 21 octobre 2023

Comment l’économie allemande s’est ajustée à la fin des importations de gaz russe

En février 2022, la Russie a lancé (ou, plutôt, repris) son invasion de l’Ukraine. Les autorités russes ont certainement parié que les Etats européens ne réagiraient guère en raison de leur forte dépendance au gaz russe ; l’Allemagne, par exemple, importait alors 55 % de son gaz de Russie. 

mercredi 18 octobre 2023

Le différentiel r-g influence-t-il la politique budgétaire des pays développés ?

Le débat sur la soutenabilité de la dette publique s’est concentré ces dernières années sur l’écart entre le taux d’intérêt des titres publics à long terme (r) et le taux de croissance du PIB (g). Dans la mesure où le différentiel r-g est resté négatif dans plusieurs pays développés dans les années précédant l’épidémie de Covid-19, certains en ont conclu que la dette publique de ces pays était globalement soutenable, voire même qu’ils pouvaient connaître un déficit budgétaire sans pour autant que le poids de la dette publique n’augmente (Blanchard, 2019). Ce raisonnement a fait l'objet de plusieurs critiques. Certains estiment que le différentiel est volatil ou qu'il s'avère peu informatif du risque de défaut souverain (Wyplosz, 2019 ; Rogoff, 2020 ; Mauro et Zhou, 2021). D'autres craignent qu’une baisse du différentiel r-g soit plus que compensé par une hausse du déficit budgétaire primaire (Checherita-Westphal et Domingues Semeano, 2020). 

samedi 7 octobre 2023

Où en est la reconfiguration des chaînes de valeur internationales ?

Ce dernier demi-siècle a été marqué par la fragmentation et l’internationalisation des chaînes d'approvisionnement : les processus productifs ont eu tendance à être divisés en un nombre toujours plus important de tâches et une part croissante de ces tâches a été réalisée, voire externalisée, à l’étranger. Mais ces dernières années, les chaînes de valeur ont été fortement perturbées par l’épidémie de Covid-19 et les mesures adoptées par les autorités en vue de la contenir, ainsi que par la montée des tensions géopolitiques, notamment la rivalité sino-américaine et l’invasion russe de l’Ukraine. Avec ces perturbations, se sont multipliés les appels à relocaliser une partie de la production à proximité (« near-shoring ») et dans des pays amis (« friend-shoring ») pour sécuriser les approvisionnements. En conséquence, les chaînes de valeur ont eu tendance à se reconfigurer.

dimanche 1 octobre 2023

La spirale prix-salaires selon les nouveaux keynésiens

L’inflation a fortement augmenté dans le sillage de l’épidémie de Covid-19. C’est notamment le cas aux Etats-Unis où les administrations Trump et Biden ont adopté d’importants plans de soutien budgétaire pour amortir les répercussions économiques de la pandémie. Certains, comme Larry Summers (2021) et Olivier Blanchard (2021), ont rapidement exprimé leurs craintes quant au risque inflationniste d’une telle stimulation : la demande globale étant stimulée alors même que l’offre était contrainte, le PIB risquait d’être supérieur à son potentiel et les prix s’ajusteraient alors à la hausse.

mardi 26 septembre 2023

Quel est l’impact de l’immigration sur l’emploi dans les régions européennes ?

La part des immigrés dans la population et, en conséquence, dans la main-d’œuvre des pays européens a eu tendance à augmenter : entre 2010 et 2019, la part des personnes nées à l’étranger dans la main-d’œuvre des pays d’Europe de l’Ouest est passée de 12,8 % à 16,2 %. Cette variation a toutefois été très hétérogène d’une région à l’autre (cf. graphique).

samedi 23 septembre 2023

Le vieillissement démographique, un frein à la croissance économique

La croissance et la structure en âge d’une population se modifient à mesure qu’elle amorce, poursuit et achève sa transition démographique. La transition démographique débute quand le taux de mortalité chute, alors même que le taux de natalité reste élevé, ce qui entraîne notamment un boom des naissances. Une quinzaine d’années après ce boom des naissances, la part de la population en âge de travailler va s'accroître : les rangs de la main-d’œuvre disponible augmentent et celle-ci rajeunit. La croissance économique s’en trouvera alors stimulée : c’est le « dividende démographique » (demographic dividend) (Bloom et al., 2023). La transition démographique s’achève quand le taux de natalité rejoint le taux de mortalité à un faible niveau. La main-d’œuvre va alors vieillir avec le tassement de l’arrivée des jeunes sur le marché du travail, puis la part de la population en âge de travailler va chuter avec la multiplication des départs à la retraite. La croissance économique s’en trouvera alors déprimée : c’est le « frein démographique » (demographic drag).

samedi 16 septembre 2023

Sept faits stylisés sur les chocs d’inflation

Après deux décennies d’inflation faible et stable, l'économie mondiale connaît un choc d’inflation depuis 2021, avec les perturbations provoquées par la pandémie de la Covid-19, puis par le conflit russo-ukrainien. En 2022, le taux d’inflation moyen s’est élevé à plus de 8 % dans les pays de l’OCDE, atteignant un niveau qui n’avait plus été observé depuis 1984 ; dans les pays émergents et en développement, il s’est rapproché des deux chiffres pour la première fois depuis les années 1990.

samedi 2 septembre 2023

Quel est l’effet des mesures budgétaires non conventionnelles sur l’inflation ?

Après avoir s’être maintenue longuement à un faible niveau, l’inflation a commencé à augmenter au cours de l’année 2021 à travers le monde et elle a ensuite atteint des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis une quarantaine d’années. Le taux d’inflation mondial est passé de 3,2 % en 2020 à 8,7 % en 2022. Dans certaines économies, la hausse a été bien plus forte. C’est notamment le cas de la zone euro : le taux d’inflation de celle-ci est passé de 0,3 % à 8,4 %. Beaucoup de banques centrales ont amorcé un cycle de resserrement monétaire pour réduire l’inflation et, dans le cas de plusieurs d’entre elles, la ramener à une cible de 2 %. Il s’agit d’ailleurs du resserrement monétaire le plus synchronisé que le monde ait connu.

jeudi 31 août 2023

Politique monétaire : les mesures non conventionnelles sont moins efficaces que les variations du taux directeur

Il y a une quinzaine d'années, lors de la crise financière mondiale, les banques centrales ont fortement réduit leurs taux directeurs pour stabiliser le système financier et soutenir l’activité économique. La crise a toutefois été si violente que le taux des fonds fédéraux, le principal taux d’intérêt de la Réserve fédérale, se retrouvait décembre 2008 à quasiment à zéro. Comme d’autres banques centrales, la Réserve fédérale a dû recourir à d’autres instruments pour continuer de stimuler l’économie. Le premier est l’achat d’actifs à grande échelle associés aux programmes d’assouplissement quantitatif (quantitative easing). Le second est le « forward guidance », consistant pour la banque centrale à mieux communiquer à propos de la trajectoire future du taux directeur. Alors que ce dernier influence directement les taux de court terme, les deux instruments « non conventionnels » visent à influencer les taux d’intérêt à long terme. L’une des questions qui se pose est de savoir dans quelle mesure les instruments non conventionnels peuvent se substituer aux variations du taux directeur, en particulier quand ce dernier est contraint par la borne zéro. 

mercredi 30 août 2023

Comment expliquer l’adoption rapide de la voiture aux Etats-Unis ?

Entre 1910 et 1930, la voiture s'est rapidement diffusée aux Etats-Unis : en 1930, il y avait plus de 1.800 voitures pour 10.000 habitants, contre 50 en 1910. Au niveau international, les Etats-Unis sont le pays qui a adopté le plus rapidement la voiture (cf. graphique). Ils étaient déjà en avance dans l’adoption de téléphone et de la radio par rapport aux autres pays industrialisés, mais l’écart dans l’adoption des voitures était encore plus prononcé : la France n’a atteint qu’en 1974 le nombre d’automobiles par tête que connaissait la Californie en 1926.

dimanche 27 août 2023

La politique monétaire influence l'innovation

Depuis les travaux des monétaristes et surtout des nouveaux classiques, beaucoup ont eu tendance à supposer que la politique monétaire ne peut influencer que la demande à court terme, non les capacités de production à long terme de l’économie. C’est ce qu’Olivier Blanchard a qualifié d’« hypothèse d’indépendance ».

mercredi 23 août 2023

Dans quelle mesure la croissance a réduit la dette d’après-guerre des Etats-Unis ?

Les Etats-Unis, comme d’autres pays développés, sont sortis de la Seconde Guerre mondiale avec une dette publique élevée : celle-ci représentait 106 % du PIB en 1946, contre 42 % en 1941. Le ratio dette publique sur PIB a fortement décliné les décennies suivantes, pour atteindre 23 % en 1974 (cf. graphique 1).

lundi 21 août 2023

Quelles sont les spécificités de la macroéconomie européenne ?

La science économique a eu tendance à s’internationaliser et à se standardiser en Europe à partir des années 1970, en l’occurrence en adoptant des standards de l’économie américaine. Aurélien Goutsmedt et Alexandre Truc (2023) ont cherché à identifier si la macroéconomie orthodoxe européenne présente des spécificités, notamment relativement à la macroéconomie américaine. En utilisant l’analyse bibliométrique et la modélisation de sujets, ils ont étudié les publications de la revue European Economic Review entre 1969, date de sa création, et 2002 et comparé celles-ci avec les publications du « top five », c’est-à-dire des cinq plus grandes revues en science économique, en l’occurrence l’American Economic Review, le Journal of Political Economy, Econometrica, le Quarterly Journal of Economics et la Review of Economic Studies.

samedi 12 août 2023

Comment les crises financières redistribuent-elles le risque ?

Les crises financières résultent de l’accumulation de risque. La question qui se pose est de savoir si, au terme d’une crise financière, le risque a été retiré du système financier ou s’il a été tout simplement redistribué en son sein.

dimanche 25 juin 2023

Quel a été le rôle des profits et des salaires dans la récente hausse de l’inflation en zone euro ?

Dans la zone euro, comme dans bien d’autres pays, le taux d’inflation a fortement augmenté dans le sillage de la pandémie et il n’est toujours pas revenu à la cible des banques centrales, les 2 %. Si certains commentateurs ou responsables se focalisent sur les salaires et font part de leur crainte d’une boucle prix-salaires, d’autres pointent plutôt du doigt le rôle des profits dans l'actuel épisode d'inflation.

dimanche 11 juin 2023

La pauvreté persiste plus fortement aux Etats-Unis que dans les autres pays développés

Le fait qu’un individu ait vécu dans la pauvreté au cours de sa jeunesse augmente les chances qu’il vive également dans la pauvreté une fois adulte. La pauvreté persiste toutefois davantage dans certains pays plutôt que d’autres. L’une des questions qui se posent est de savoir pourquoi.

vendredi 9 juin 2023

D’une crise à l’autre : anatomie budgétaire de la crise financière mondiale et de la pandémie

La crise financière mondiale de 2008 et la pandémie de Covid-19 qui éclata en 2020 ont été suivies par les plus fortes hausses des ratios dette publique sur PIB enregistrées après la Seconde Guerre mondiale. Au cours de « l’interlude », long d’une décennie, entre ces deux événements, les ratios d’endettement public sont restés en moyenne stables, voire ont eu tendance à augmenter. Par conséquent, la crise sanitaire les a envoyés à des niveaux plus élevés que ceux atteints au lendemain de la crise financière.

mercredi 31 mai 2023

Dans quelle mesure le coût du travail alimente-t-il l’inflation américaine ?

L’inflation a fortement augmenté dans les pays développés dans le sillage de la pandémie. Elle dépasse dans une large mesure la cible des 2 % que les banques centrales suivent. Comme dans d’autres pays, certaines craignent aux Etats-Unis que la hausse des salaires, à travers laquelle les salariés cherchent à compenser leurs pertes de pouvoir d’achat, rende l’inflation plus persistante. 

dimanche 28 mai 2023

Le rôle des marchés financiers dans l’asymétrie de la politique monétaire

Les effets de la politique monétaire sur l’activité économique et l’inflation sont réputés asymétriques : un resserrement monétaire les affecte bien davantage que ne les affecte un assouplissement monétaire (Angrist et alii, 2018 ; Barnichon et Matthes, 2018 ; Grigoli et Sandri, 2023). Dans un nouveau document du travail, Piergiorgio Alessandri, Òscar Jordà et Fabrizio Venditti (2023) ont étudié le rôle des marchés financiers dans la transmission de la politique monétaire aux Etats-Unis et son asymétrie. 

jeudi 25 mai 2023

Comment expliquer l'inflation postpandémique aux Etats-Unis ?

Une fois les premiers temps de la pandémie de Covid-19 passés, l’inflation a fortement augmenté, notamment dans les pays développés. Les banques centrales et la plupart des économistes ont échoué à prédire cette hausse de l’inflation et, lorsqu’elle s’est amorcée, beaucoup ont initialement pensé qu’elle n’était que temporaire.

vendredi 19 mai 2023

Comment ont évolué les taux d’intérêt neutres à long terme ?

Les taux d’intérêt neutres (ou naturels ou encore d’équilibre) sont les taux d’intérêt cohérents avec une production à son potentiel et une inflation stable. Plusieurs travaux ont suggéré qu’ils ont eu tendance à baisser ces dernières décennies et à finir par atteindre des niveaux historiquement faibles. Plus récemment, avec la hausse de l’inflation observée suite à la pandémie de Covid-19, certains ont suggéré qu’ils ont eu tendance à repartir à la hausse.

jeudi 11 mai 2023

Etats-Unis : que reste-t-il de l’excès d’épargne de la pandémie ?

En 2020, aux premiers temps de l’épidémie de Covid-19, les comportements de distanciation physique et les mesures de confinement ont provoqué aux Etats-Unis, comme dans bien d'autres pays, une contraction la consommation. Parallèlement, le revenu disponible s’est fortement accru, notamment sous l’effet des puissantes mesures de soutien budgétaire : en 2020 et 2021, les administrations Trump et Biden ont injecté l’équivalent de 5.000 milliards de dollars dans l’économie américaine. Il s’agit de la plus forte hausse des dépenses publiques discrétionnaires qui ait été observée aux Etats-Unis lors des récessions de ces cinq décennies (cf. graphique 1).

mercredi 10 mai 2023

Les conséquences macroéconomiques de l’effondrement des activités extractives

Plusieurs travaux suggèrent que l’exploitation de matières premières peut avoir pour effet pervers de déprimer la croissance économique d’un pays : c’est ce qu'on appelle la « malédiction des ressources naturelles » ou, plus largement, la « maladie hollandaise » (Sachs et Warner, 1995 ; Frankel, 2001). D’une part, le reste du tissu industriel se détériore, notamment parce que les exportations de matières premières dégradent sa compétitivité en entraînant une appréciation du taux de change. D’autre part, la qualité des institutions politiques tend à se dégrader, notamment parce que l’explosion de rentes tirées de l’exploitation des ressources naturelles alimente la corruption.

samedi 6 mai 2023

Quel est l’effet de l’inflation sur les finances publiques ?

Les dettes publiques ont connu de fortes hausses suite à la crise financière mondiale il y a une quinzaine d’années, puis, plus récemment, avec l’épidémie de Covid-19. La pandémie a également été suivie par une forte hausse de l’inflation, si bien que certains y voient une occasion pour que la dette publique diminue sans que le gouvernement ait eu à adopter des mesures de consolidation budgétaire. 

mercredi 3 mai 2023

L’IA peut bénéficier de façon disproportionnée aux travailleurs les moins compétents

La littérature économique (Autor et alii, 2003) considère typiquement les nouvelles technologies numériques comme complémentaires aux travailleurs qualifiés (ce qui permet à ces derniers de gagner en efficacité) et substituables avec les travailleurs non qualifiés (si bien que les tâches réalisées par ces derniers sont davantage susceptibles d’être réalisées par les machines). Les avancées informatiques se poursuivent et permettent aux machines de réaliser un éventail toujours plus large de tâches jusqu’à présent réalisables par les seuls travailleurs, notamment qualifiés. C’est le cas de l’intelligence artificielle, dont les effets concrets sur les travailleurs restent à étudier. 

mardi 25 avril 2023

Quels facteurs déterminent les choix de localisation des demandeurs d’asile au sein de l’UE ?

L’Europe a connu un afflux de demandeurs d’asile au cours de la dernière quinzaine d’années. Le nombre de demandes d’asile dans l’UE a augmenté à partir de 2007 et il a atteint un pic en 2015 et en 2016, dans le contexte de la guerre syrienne (cf. graphique). Si la pandémie a initialement freiné les demandes d’asile, celles-ci sont ensuite reparties à la hausse, notamment avec la reprise de l’Afghanistan par les Talibans en 2021, puis avec l’invasion russe de l’Ukraine en 2022.

lundi 24 avril 2023

Ce que l’approche narrative dit des effets réels de la politique monétaire

Il est difficile d’identifier les effets de la politique monétaire. En effet, non seulement l’activité économique n’est pas influencée par les seules mesures de politique monétaire, mais celles-ci sont aussi affectées par les divers facteurs susceptibles d’affecter la production. Dans le cas extrême et improbable où la banque centrale parviendrait à contrer toutes les forces qui affectent la production, cette dernière ne fluctuerait pas, auquel cas une simple régression de l’activité économique sur un indicateur de politique monétaire suggérerait erronément que la politique monétaire n’affecte pas la production [Kareken et Solow, 1963].

vendredi 21 avril 2023

La propriété des banques à travers le monde

D’après les littératures empirique et théorique, la nature de la propriété des banques, privée ou publique, domestique ou étrangère, est susceptible de jouer sur leurs performances, sur le financement de l’économie et en définitive sur la croissance économique, mais les liens évoqués peuvent être ambigus. D’un côté, les banques étrangères peuvent importer de nouvelles technologies et de nouvelles techniques de management, stimuler la concurrence et être moins sensibles aux chocs domestiques que les banques domestiques ; de l’autre, elles peuvent être moins à même de collecter des informations sur les clients que les banques domestiques, au détriment des petites entreprises, et être davantage exposées aux chocs étrangers, c’est-à-dire contribuer à propager ces derniers dans l’économie domestique. Quant aux banques publiques, elles peuvent contribuer à surmonter les échecs de marché, mais souffrir d’inefficacités et entraîner une mauvaise allocation des ressources. 

mercredi 12 avril 2023

La volatilité de la politique budgétaire nuit à la croissance

Dans un nouveau document de travail publié par la banque mondiale, Francisco Arroyo Marioli, Antonio Fatás et Garima Vasishtha (2023) ont étudié la volatilité de la politique budgétaire dans un large échantillon de pays pour la période allant de 1990 à 2021. Ils se sont en l’occurrence concentrés sur quatre indicateurs de la politique budgétaire, à savoir les dépenses primaires, les recettes publiques, la consommation publique et le solde primaire. 

mercredi 5 avril 2023

Comment le contenu en qualifications de la mondialisation affecte le populisme

Les élections nationales qui se sont tenues à travers le monde ces dernières années ont été marquée par un essor des partis populistes et nationalistes, en particulier en Europe. Beaucoup ont relié cette évolution à la mondialisation, en l’occurrence celle des échanges commerciaux et des flux migratoires (Rodrik, 2021). Dans une nouvelle étude, Frédéric Docquier, Lucas Guichard, Stefano Iandolo, Hillel Rapoport, Riccardo Turati et Gonzague Vannoorenberghe (2022) se sont demandé dans quelle mesure la mondialisation a influencé l’évolution à long terme du populisme en prenant en compte le contenu en qualifications des flux commerciaux et des flux migratoires.

lundi 3 avril 2023

Russie : quel est l’effet des sanctions internationales sur le soutien au régime de Poutine ?

La Russie a fait l’objet de sanctions internationales d’une ampleur sans précédent depuis février 2022. Elle s’était déjà vue infliger des sanctions dès 2014, suite à l’annexion de la Crimée. Ces sanctions, d’ordre économique, visent à affaiblir l’économie pour affaiblir politiquement le régime en place et le contraindre ainsi à revenir sur ses choix géopolitiques. Si les répercussions économiques de telles sanctions ont été l’objet de plusieurs travaux, notamment d’une étude de Dzhamilya Nigmatulina (2022) dans le cas des sanctions de 2014, leurs effets politiques restent peu étudiés. Robert Gold, Julian Hinz et Michele Valsecchi (2023) ont précisément cherché à déterminer quelles ont été les répercussions des sanctions de 2014 sur le soutien en faveur du régime de Poutine. 

mercredi 29 mars 2023

La flexibilité du taux de change permet-elle d’absorber les chocs de demande négatifs à la borne zéro ?

Depuis les travaux de Milton Friedman (1953), il est souvent admis que la flexibilité des taux de change permet à l’économie d’absorber un choc de demande domestique négatif en permettant au taux de change de réagir à ce dernier en se dépréciant. Cependant, quand la politique monétaire est contrainte par la borne inférieure zéro, la théorie néo-keynésienne suggère que le taux de change réel pourrait au contraire s’apprécier en réaction à un choc de demande domestique négatif, si bien que les effets de ce dernier sont, non pas atténués, mais amplifiés (Cook et Devereux, 2013 ; Cook et Devereux, 2016). Mais si l’utilisation de mesures non conventionnelles permet à la banque centrale d’assouplir davantage sa politique monétaire malgré le fait que ses taux soient contraints par la borne inférieure, alors la théorie néo-keynésienne suggère que dans ce cas-là le taux de change réel réagit bien à un choc de demande domestique négatif en se dépréciant.

vendredi 24 mars 2023

L’inflation, un processus à deux régimes ?

Après plusieurs décennies où elle est restée faible est stable, l’inflation a fortement augmenté ces deux dernières années. Dans le sillage de la pandémie, la hausse des prix s’est rapidement généralisée, que ce soit en termes de catégories de produits ou de pays. Ainsi, la proportion de pays connaissant une forte inflation, qui avait régulièrement baissé à partir du début des années 1980 dans le cas des pays développées et à partir du début des années 1990 dans le cas des pays émergents et en développement, est fortement repartie à la hausse en 2021.

jeudi 23 mars 2023

Quel est l’effet de la dette publique sur les anticipations d’inflation ?

Dans les pays développés, les dettes publiques atteignaient des niveaux historiquement élevés dans le sillage de la crise financière mondiale ; elles ont de nouveau augmenté aux premiers temps de l’épidémie de Covid-19. En outre, la pandémie a été suivie par une forte hausse de l’inflation ; cette dernière a renoué dans les pays développés avec des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis plusieurs décennies.

samedi 18 mars 2023

La relation changeante entre le dollar et le prix des produits de base

Au moins depuis le milieu des années 1980 jusqu’à la veille de l’épidémie de Covid-19, les prix des produits de base, notamment ceux du pétrole, ont eu tendance à varier dans le même sens que le dollar (cf. graphique 1). Lorsque les prix des produits de base connaissaient un boom, le dollar avait tendance à se déprécier ; quand les prix des produits de base chutaient, le dollar avait tendance à s’apprécier (Lizardo et Mollick, 2010 ; Klitgaard et alii, 2019). Or, depuis la pandémie, cette relation s’est inversée. En effet, entre le début de l’année 2021 jusqu’au milieu de l’année 2022, les prix des produits de base ont bondi, mais le dollar a eu tendance à s’apprécier vis-à-vis des autres devises. Ensuite, fin 2022, les prix des produits de base ont reflué et le dollar s’est déprécié.

jeudi 16 mars 2023

Dans quelle mesure la fiscalité du patrimoine affecte-t-elle les inégalités de richesse ? Une petite leçon suisse

Les inégalités de patrimoine ont eu tendance à se creuser dans les pays développés au cours des quatre dernières décennies. Durant cette période, l’imposition du patrimoine a pu avoir tendance à devenir moins progressive ; cela a été le cas en Europe, où plusieurs pays ont abandonné l’impôt sur la fortune depuis le milieu des années 1990. L’une des questions qui se posent est de savoir dans quelle mesure cette érosion de la progressivité de l’imposition du patrimoine a pu contribuer à creuser les inégalités de richesse. La seconde, réciproque, est de savoir dans quelle mesure l’imposition du patrimoine s’avère un outil efficace pour réduire les inégalités de richesse ; c’est notamment la question à laquelle se sont attaqués Emmanuel Saez et Gabriel Zucman (2019) dans le cas des Etats-Unis.

samedi 11 mars 2023

Capital humain et changement climatique

Les personnes se révèlent d’autant plus inquiètes quant au changement climatique qu’elles seraient diplômées. C’est notamment une corrélation positive qu’a pu mettre en évidence une enquête menée par le Pew Research Center au niveau mondial (Fagan et Huang, 2019). Il est probable que l’institution scolaire inculque aux élèves qui la fréquentent des connaissances leur permettant de mieux saisir la mécanique du climat et par conséquent la menace que représente le dérèglement climatique. Si c’est le cas, la scolarisation contribuerait à ce que les individus ajustent davantage leur propre comportement de façon à le rendre moins énergivore, mais elle pourrait aussi stimuler la demande d’une action publique en faveur de l’environnement et faciliter l’adoption de mesures climatiques, par exemple en amenant les individus à voter davantage en faveur de candidats ou partis mettant l’accent sur la préservation de l’environnement dans leur programme. 

lundi 6 mars 2023

Aux racines de la Révolution française : de la sécheresse aux émeutes paysannes

En 1788, une sécheresse a touché la France et entraîné de mauvaises récoltes. Le prix des céréales a explosé et une famine éclata. Plusieurs historiens ont suggéré que la sécheresse a pu alimenter les révoltes au cours de l’année suivante et, ainsi, participer aux débuts de la Révolution française (Lefebvre, 1932 ; Le Roy Ladurie, 1967 ; Neumann, 1977 ; Neumann et Dettwiller, 1990). En effet, durant l’été 1789, juste avant que ne commence la nouvelle récolte, les paysans, affamés, se sont soulevés contre les propriétaires terriens. Ils étaient scandalisés à l’idée d’avoir à leur payer des impôts, qu’ils jugeaient excessifs, alors même que ceux-ci étaient exonérés de tout impôt.

mardi 28 février 2023

Un resserrement monétaire nuit d'autant plus à la demande que la dette est élevée

L’inflation a fortement augmenté suite à la pandémie. Les banques centrales ont resserré leur politique monétaire ces derniers trimestres pour freiner la hausse des prix et elles n’affichent guère d’autre intention, pour l’instant, que de poursuivre ce resserrement. Or, ce resserrement monétaire a pour particularité de s’opérer dans un contexte de fort endettement du secteur privé. En effet, le niveau d’endettement des ménages et des entreprises non financières a augmenté depuis les années 1970 (cf. graphique). Le ratio dette sur PIB a certes baissé dans des pays très exposés à la crise financière mondiale, notamment les Etats-Unis et le Royaume-Uni ; mais il atteint dans d’autres des niveaux historiquement élevés. 

samedi 4 février 2023

Covid-19 : le soutien budgétaire aux entreprises françaises a-t-il été trop généreux ?

Dans les premiers temps de la pandémie de Covid-19, en particulier lors des premiers confinements, les gouvernements ont adopté des mesures de soutien budgétaire, notamment à destination des entreprises. C’est le cas en France, où le gouvernement a adopté trois grandes mesures en 2020 : il a pris en charge une partie des salaires en étendant le dispositif d’activité partielle (AP), proposé le Prêt Garanti par l’Etat (PGE) et versé des subventions pour compenser la perte d’activité via le Fonds de solidarité des entreprises (FSE), qui ciblait explicitement les plus petites entreprises.

mardi 31 janvier 2023

Covid-19 : quelles mesures de soutien budgétaire ont été les plus inflationnistes ?

Au printemps 2020, la pandémie de Covid-19 et les confinements adoptés pour en freiner la propagation ont entraîné l’une des plus puissantes contractions de l’activité économique que le monde ait connues. Les gouvernements ont immédiatement adopté des mesures pour en atténuer les effets et permettre à l’économie de rebondir rapidement lorsqu’ils retireraient les mesures de confinement. Les plans de soutien budgétaire que les gouvernements ont adopté n’ont pas eu la même ampleur d’un pays à l’autre ; ils ont généralement été plus importants dans les pays développés que dans les pays en développement, les premiers disposant d’une plus grande marge de manœuvre budgétaire que les seconds. En outre, les plans de soutien n’ont pas forcément ciblé les mêmes agents : certaines mesures concernaient les ménages, d’autres les entreprises. Dans le premier cas, il s’agissait par exemple de s’assurer à ce que les ménages continuent de subvenir à leurs besoins et soient moins tentés de chercher à épargner par précaution. Dans le second cas, il s’agissait d’éviter à ce que les entreprises fassent immédiatement faillite.

vendredi 27 janvier 2023

Quel a été le rôle des chocs mondiaux dans l'inflation ?

Les taux d’inflation ont fortement augmenté depuis le début de l’année 2021. Cette hausse de l’inflation a initialement été provoquée par la conjonction d’un rebond vigoureux de la demande dans le sillage des déconfinements et des perturbations persistantes des chaînes de valeur mondiales. La guerre en Ukraine a contribué à alimenter l’inflation en provoquant une forte hausse des prix du pétrole et des produits alimentaires. Cet emballement de l’inflation a renouvelé l’attention des économistes pour les causes de l’inflation et notamment le lien entre cette dernière et les prix du pétrole. 

dimanche 22 janvier 2023

En quoi les économies à taux d’intérêt négatifs se singularisent-elles ?

Au cours des décennies qui ont précédé la pandémie, les taux d’intérêt nominaux ont atteint des niveaux historiquement faibles à travers le monde. Les banques centrales de cinq économies, en l’occurrence du Danemark, du Japon, de la Suisse, de la Suède et de la zone euro, ont même adopté des taux d’intérêt négatifs. Depuis la pandémie, ces banques centrales, comme les autres, ont commencé à resserrer leur politique monétaire pour combattre l’emballement de l’inflation, mais leurs taux d’intérêt restent encore à un niveau relativement faible.

samedi 21 janvier 2023

Comment les dépenses des ménages réagissent-elles à la politique monétaire ?

Francesco Grigoli et Damiano Sandri (2023) ont examiné la transmission de la politique monétaire aux dépenses des ménages. Pour cela, ils ont utilisé les données relatives à un million de comptes courants allemands sur la période allant de 2017 à 2021. Ces données ont notamment l’avantage d’être disponibles à un rythme quotidien. 

samedi 14 janvier 2023

Comment les banques centrales des pays émergents réagissent-elles à un resserrement de la politique monétaire américaine ?

Afin de contenir l’emballement de l’inflation aux Etats-Unis, la Réserve fédérale a amorcé en mars dernier un cycle de hausses de son taux directeur. Or, les resserrements de la politique monétaire américaine sont susceptibles de nuire aux pays émergents.

jeudi 12 janvier 2023

Où sont passés les travailleurs américains ?

Aux Etats-Unis, les tensions sur le marché du travail ont été très fortes suite à la pandémie. Le taux de chômage s’élevait en novembre dernier à 3,7 % et le taux de postes vacants à 7 %, soit un niveau historiquement élevé (cf. graphique 1). Pour beaucoup, elles s’expliqueraient notamment par une tendance déjà à l’œuvre avant la pandémie, en l’occurrence la baisse du taux d’activité (cf. graphique 2). En effet, lors de la pandémie, le taux de chômage a bondi et le taux d’activité a chuté. Mais alors que le taux de chômage est revenu à son niveau d’avant-crise, le taux d’activité est resté un point de pourcentage inférieur à celui observé en 2019, à la veille de la pandémie.

lundi 2 janvier 2023

Les conséquences macroéconomiques d’une perturbation des chaînes de valeur mondiales

Ces quatre dernières décennies, les entreprises ont fragmenté de façon toujours plus poussée leurs processus productifs et fait réaliser une part croissante de leurs tâches de production à l’étranger. Les chaînes d’approvisionnement se sont ainsi internationalisées : la production d’un bien implique souvent plusieurs pays. Cette fragmentation des processus productifs permet aux entreprises de tirer profit des avantages comparatifs des autres pays et ainsi de gagner en efficacité (Antràs, 2020).