Après être restée très faible dans le sillage de la Grande Récession, l’inflation a fortement augmenté suite à l’épidémie de Covid-19 (cf. graphique 1). Dans les pays développés, elle a retrouvé des niveaux qu’elle n’avait plus atteints depuis les années 1970. Certains mettent particulièrement en avant des facteurs du côté de la demande, en particulier les mesures de soutien budgétaire adoptées par les gouvernements, pour expliquer cette hausse de l’inflation (Furman, 2022 ; De Soyres et al., 2022). D’autres relient celui-ci à des facteurs du côté de l’offre, notamment les perturbations des chaînes de valeur (Di Giovanni et al., 2022). Or, l’identification des sources exactes de l’inflation peut s’avérer cruciale pour concevoir la réponse des banques centrales et des autorités budgétaires à l’inflation.
Dans une nouvelle étude publiée par le FMI, Melih Firat et Otso Hao (2023) ont cherché à déterminer les rôles respectifs de la demande et de l’offre dans la dynamique de l’inflation dans 32 économies avancées et émergentes au cours des trois dernières décennies. En l’occurrence, ils ont utilisé la méthodologie qu'Adam Hale Shapiro (2022) avait utilisée pour décomposer l’inflation américaine entre composantes liées à la demande et composantes liées à l’offre.
Firat et Hao se penchent sur des épisodes historiques en particulier. Ils examinent notamment la dynamique de l’inflation autour de la Grande Récession (cf. graphique 2). Dans les années qui la précèdent, l’inflation tirée par l’offre augmente, en phase avec la hausse des prix des produits de base, puis elle chute à partir du pic que ceux-ci atteignent au milieu de l’année 2008. L’inflation tirée par la demande baisse également, à partir de la fin 2008, ce qui est cohérent avec le constat d'Ashoka Mody et al. (2012) selon lequel la hausse de l’incertitude observée lors de la crise financière a entraîné une forte hausse de l’épargne.
Se penchant sur l’épisode pandémique, Firat et Hao constatent qu’aussi bien les facteurs du côté de l’offre que les facteurs du côté de la demande ont joué un rôle significatif dans la récente évolution de l’inflation (cf. graphique 3). La baisse globale de l’inflation au début de la pandémie en 2020 s’explique avant tout par la baisse des composantes associées à la demande, celle-ci coïncidant avec l’adoption des mesures de confinement. A partir du début de l’année 2021, aussi bien les facteurs associés à la demande que les facteurs associés à l’offre ont joué un rôle significatif dans la hausse de l’inflation, mais leurs contributions ont été hétérogènes d’une économie à l’autre. Aux Etats-Unis et en Asie, les facteurs du côté de l’offre et les facteurs du côté de la demande ont contribué à peu près également à la hausse de l’inflation. En Europe, par contre, la hausse de l’inflation s’explique avant tout par les facteurs du côté de l’offre.
En poursuivant leur analyse, Firat et Hao notent que la courbe de Phillips est plus pentue quand l’inflation est tirée par la demande. Ainsi, l’aplatissement de la courbe de Phillips observée les décennies précédant la pandémie de Covid-19 a pu s’expliquer par le rôle croissant joué par les facteurs d’offre dans l’inflation.
En poursuivant l’examen de différents facteurs de la demande sur la dynamique de l’inflation, Firat et Hao constatent qu’un resserrement de la politique monétaire entraîne une baisse plus forte et plus durable de l’inflation tirée de la demande, tandis que les effets sont plus limités dans le cas de l’inflation tirée par l’offre. Ces constats suggèrent que la politique monétaire est moins efficace au cours des épisodes où l’inflation par l’offre domine qu’au cours des épisodes où l’inflation par la demande domine.
En ce qui concerne l'influence des facteurs du côté de l’offre, Firat et Hao observent une forte hausse de l’inflation tirée par l’offre suite à un choc d’offre de pétrole négatif, tandis que l’inflation tirée par la demande ne réagit guère. De même, l’inflation tirée par l’offre réagit significativement en réponse à des perturbations des chaînes de valeur, tandis que l’inflation tirée par la demande n’est guère affectée par ces pressions.
Références