dimanche 10 mars 2024

Comment a évolué le taux d’intérêt naturel dans la zone euro ?

Le taux d’intérêt d’équilibre, ou taux d’intérêt naturel, joue un rôle clé dans la théorie macroéconomique orthodoxe. Il est notamment utilisé pour juger de l’orientation de la politique monétaire : si le taux d’intérêt réel de court terme est supérieur au taux d’intérêt naturel, la politique monétaire est considérée comme restrictive ; elle est considérée comme accommodante dans le cas contraire. Ainsi, il pourrait avoir des implications pour la conduite de la politique monétaire : s’il est faible, comme ce fut apparemment le cas ces dernières décennies, il impliquerait que les banques centrales maintiennent leurs taux directeurs à faible niveau. En outre, le taux d’intérêt naturel a été au centre de nombreux débats en macroéconomie ces dernières décennies. Son apparente faiblesse suite à la crise financière mondiale a pu être interprétée comme un symptôme du glissement des économies développées dans un régime de stagnation séculaire (Summers, 2014, 2015). Ces toutes dernières années, dans le sillage de la remontée des taux d’intérêt nominaux suite à la pandémie, il a été au centre des réflexions autour de la question de savoir si les taux d’intérêt nominaux resteraient durablement élevés à l’avenir (comme le pense notamment Larry Summers) ou s’ils allaient probablement revenir à leur faible niveau prépandémique (comme le pense Olivier Blanchard), notamment parce qu'il peut jouer sur la soutenabilité de la dette publique.

samedi 9 mars 2024

La croissance du prix des services pourrait freiner la désinflation

Initialement, la hausse de l’inflation en 2021 a tenu en grande partie à la hausse des prix des biens, en particulier des produits alimentaires et de l’énergie. La hausse du prix des services n’a vraiment commencé à accélérer qu’en 2022. La désinflation observée au cours de l’année 2023 tient, quant à elle, avant tout au reflux des prix des aliments et de l’énergie et, dans une moindre mesure, des autres biens. Ainsi, si les prix des services ont initialement joué un rôle mineur dans le récent épisode inflationniste, leur contribution à celui-ci a augmenté au cours du temps (cf. graphique 1).

mercredi 28 février 2024

Comment les sanctions occidentales ont réduit l’accès des Russes aux biens étrangers

La Russie a repris son invasion de l’Ukraine il y a deux ans. En réaction, beaucoup de pays occidentaux ont assez rapidement adopté des sanctions économiques pour pousser l’Etat russe à stopper son invasion, notamment en lui restreignant l’accès à des technologies cruciales pour son industrie militaire. Un nouveau paquet de sanctions ont été adopté ces derniers jours.

lundi 19 février 2024

Comment expliquer la dynamique de l'inflation dans les pays développés suite à la pandémie ?

Ben Bernanke et Olivier Blanchard (2023) avaient proposé un modèle assez simple pour interpréter la dynamique de l’inflation dans le sillage de la pandémie de Covid-19 et notamment observer les effets de chocs de natures différentes. En l’occurrence, ils l’avaient appliqué à l’économie américaine. Leur modèle a ensuite été utilisé par d’autres chercheurs, notamment au sein des banques centrales, à savoir la Réserve fédérale, la Banque d’Angleterre, la BCE, la Banque du Japon, la Banque du Canada, la Banque de France (sous la houlette de Pierre Aldama, Claire Le Gall et Hervé Le Bihan), la Bundesbank, la Banque nationale de Belgique, la banque néerlandaise, la Banque d’Espagne et la Banque d’Italie. Dans une nouvelle analyse publiée par le CEPR, Bernanke et Blanchard (2024) ont synthétisé les premiers résultats que rapporte l’application de leur modèle par ces onze banques centrales.

mercredi 7 février 2024

Comment les récessions affectent-elles la trajectoire scolaire et professionnelle des jeunes générations ? Quelques leçons scandinaves

Lors des récessions, le chômage tend à augmenter. Certains groupes de travailleurs (par exemple les moins qualifiés) et certains secteurs (par exemple l’industrie et la construction lors de la Grande Récession) sont davantage exposés que d’autres à la dégradation du marché du travail. En outre, les effets d’une récession sur la trajectoire professionnelle tendent à être persistants : ceux qui perdent leur emploi lors d’une récession connaissent ultérieurement de moindres salaires que ceux qui l’ont gardé. Les répercussions des récessions sur la trajectoire scolaire et professionnelle des enfants ont été moins étudiées. Deux récentes études contribuent à éclairer cette question. Pour ce faire, elles ont utilisé comme expériences naturelles les crises sévères que les pays scandinaves ont connues au début des années 1990.

lundi 22 janvier 2024

Comment le récent resserrement monétaire s’est transmis aux taux d’intérêt bancaires

Lorsque l’inflation augmente, comme ce fut le cas dans le sillage de la pandémie de Covid-19, les banques centrales réagissent en resserrant leur politique monétaire : elles relèvent notamment leurs taux directeurs. En agissant ainsi, elles cherchent à réduire le crédit que les banques commerciales sont prêtes à accorder aux ménages et aux entreprises, mais aussi à le renchérir : si les banques commerciales ont plus de difficulté à se refinancer auprès de la banque centrale, elles tendront également à relever les taux d’intérêt qu’elles proposent à leurs clients, aussi bien les emprunteurs que les déposants. Ainsi, les ménages et les entreprises sont moins capables et moins incités à emprunter. Au contraire, ils pourraient être davantage incités à placer leur épargne pour profiter des taux d’intérêt plus élevés. Dans les deux cas, la demande globale devrait s’en trouver déprimée, ce qui devrait pousser les entreprises à cesser d’augmenter leurs prix.

dimanche 21 janvier 2024

Le recours au télétravail depuis la pandémie a-t-il stimulé la croissance de la productivité ?

Dans le sillage de l’épidémie de Covid-19, il y a un très fort recours au télétravail ; ce dernier a permis aux travailleurs de continuer de travailler malgré les mesures de confinement et de réduire le risque de contamination. Depuis le retrait des mesures sanitaires et le reflux de la pandémie, le recours au télétravail a certes lui-même reflué, mais il reste beaucoup plus fréquent qu’auparavant,(Bick et alii, 2020 ; Barrero et al., 2021). C’est en particulier le cas aux Etats-Unis : alors que 5 % des journées de travail étaient réalisées à distance avant la pandémie, cette part a atteint un pic de 60 % lors de la pandémie, avant de refluer pour atteindre 30 % fin 2023. L’une des questions qui se pose est de savoir dans quelle mesure le recours assez généralisé du télétravail lors de la pandémie a pu stimuler la croissance de la productivité.

vendredi 29 décembre 2023

Les effets asymétriques des variations du salaire minimum

A partir de fin 2015, l’administration du comté de Johnson, dans l’Iowa, aux Etats-Unis, a relevé à plusieurs reprises le salaire minimum local : celui-ci est passé de 7,25 dollars (correspondant à celui en vigueur dans l'Etat) à 10,10 dollars de l’heure. Le salaire minimum du comté de Johnson est resté élevé pendant dix-sept mois, avant que le gouvernement de l’Etat de l’Iowa abolisse les salaires minima des collectivités locales : le salaire minimum du comté de Johnson est ainsi revenu à 7,25 dollars de l’heure. 

mercredi 27 décembre 2023

La consolidation budgétaire peut-elle aider les banques centrales dans leur lutte contre l’inflation ?

L’inflation a fortement augmenté à travers le monde ces dernières années, sous l’effet tout d’abord de la pandémie de Covid-19, puis de la reprise de l’invasion russe de l’Ukraine. Comme lors des précédentes poussées inflationnistes, les banques centrales ont resserré leur politique monétaire pour stabiliser l'inflation à un faible niveau. Dans un récent document de travail du FMI, Jiaqian Chen, Era Dabla-Norris, Carlos Goncalves, Zoltan Matyas Jakab et Jesper Lindé (2023) se sont demandés dans quelle mesure un resserrement de la politique budgétaire peut aider les banques centrales dans leur mission de stabilité des prix.

mercredi 20 décembre 2023

La lutte des banques centrales contre l’inflation alimente-t-elle les tensions financières ?

Les banques centrales affichent pour mission de stabiliser l’inflation à un faible niveau. Mais, qu’elles y fassent explicitement mention ou non dans leur mandat, elles ont également un rôle dans la préservation de la stabilité financière, ne serait-ce qu’en leur qualité de prêteurs en dernier ressort. Or, ces deux objectifs – la stabilité des prix et la stabilité financière – sont loin d’être indépendants l’un de l’autre. En l’occurrence, les décisions de politique monétaire en vue de stabiliser l’inflation peuvent alimenter les risques d’instabilité financière. Ce peut être le cas des assouplissements monétaires, dans la mesure où ils incitent les agents économiques, notamment les plus contraints financièrement, à s’endetter (Grimm et al., 2023). Et ce peut être aussi le cas des resserrements monétaires : une hausse des taux d’intérêt peut fragiliser les emprunteurs, par exemple en alourdissant la charge de leur dette ou en durcissant les conditions d’obtention d’un nouvel emprunt (Schularick et al., 2021)