mercredi 29 novembre 2023

Comment les entreprises à forte marge réagissent-elles à la hausse de leurs coûts ? Quelques leçons des chocs et contre-chocs pétroliers

Les entreprises ont eu tendance à gagner en pouvoir de marché ces dernières décennies (De Loecker et al., 2020). Ainsi, lorsque l’inflation a fortement augmenté dans le sillage de la pandémie de Covid-19, essentiellement sous l’effet d’une hausse des prix de l’énergie, certains ont pu espérer que les entreprises absorbent une partie de la hausse des coûts en rognant sur leurs marges plutôt qu’en répercutant la hausse des coûts sur leurs prix de vente, et ce d’autant plus que leurs marges étaient initialement élevées. Dans ce cas-là, l’absorption de la hausse des coûts par les marges contribue à freiner les pressions inflationnistes.

mercredi 22 novembre 2023

Les coûts macroéconomiques de la dollarisation

Lorsqu’un pays est confronté chroniquement à une forte inflation, il peut être tenté d’abandonner sa monnaie pour adopter une devise étrangère. En l’occurrence, il peut être tenté d’adopter le dollar américain, la principale devise internationale, comme nouvelle monnaie : c’est ce qu’on appelle la « dollarisation ». Javier Milei vient d’être élu président de l’Argentine sur la base d’un programme promettant l’abandon du peso pour le dollar. D’autres pays, notamment latino-américains, ont dollarisé leur économie ces dernières décennies, formellement (c’est le cas de l’Equateur en 2000 et du Salvador en 2011) ou informellement (le Venezuela depuis quelques années). 

vendredi 17 novembre 2023

Etats-Unis : l’ampleur exceptionnelle de l’expansion budgétaire lors de la pandémie

Comme dans bien d’autres pays, le Budget joue un rôle clé dans la stabilisation de l’activité économique aux Etats-Unis. Lors d’une récession, les dépenses publiques ont tendance à augmenter et les prélèvements obligatoires à diminuer, si bien que le solde primaire tend à se dégrader, ce qui stimule l’activité économique. Inversement, lors des expansions, les dépenses publiques sont freinées et les prélèvements obligatoires augmentent, si bien que le solde primaire a tendance à s’améliorer et l’activité économique s’en trouve freinée. C’est en l’occurrence le cas des finances publiques au niveau fédéral : comme le notent Brigid Meisenbacher et Daniel Wilson (2023), le solde primaire de l’Etat fédéral évolue très étroitement dans le même sens que le taux de chômage (cf. graphique 1). Ainsi, par exemple, entre 2007 et 2009, lors de la Grande Récession, le taux de chômage s’est rapproché des 10 % et le déficit primaire a en parallèle fortement augmenté.

mercredi 15 novembre 2023

Comment se comporte le taux de chômage naturel lors des reprises

Depuis que Milton Friedman (1968) a introduit le taux le chômage naturel dans son attaque contre la courbe de Phillips, celui-ci est devenu un élément clé de l’analyse macroéconomique mainstream. Chez les nouveaux keynésiens, le taux de chômage naturel est le taux de chômage qui serait observé si l’économie était à l’équilibre ; ce serait celui qui stabiliserait l’inflation. Autrement dit, le maintien du taux de chômage en-dessous du taux naturel se traduirait par des pressions inflationnistes, tandis que le maintien du taux de chômage au-dessus de son niveau naturel se traduirait par des pressions déflationnistes. Les nouveaux keynésiens font l’hypothèse qu’il est à peu près stable au cours du cycle d’affaires, notamment lorsqu’ils se penchent sur le cas de la courbe de Phillips.

vendredi 10 novembre 2023

Quel est l'impact des tensions financières sur l’activité économique ?

Toute étude des crises financières rencontre immédiatement une difficulté : il est difficile de définir et d’identifier clairement celles-ci. Les indicateurs objectifs habituellement utilisés pour mesurer les tensions financières peuvent mal identifier les crises. En effet, ils peuvent réagir à d’autres facteurs que les tensions financières, par exemple les changements dans la politique monétaire, ou bien ne pas saisir certaines manifestations des crises financières, notamment le rationnement du crédit. C’est ainsi que Christina Romer et David Romer (2017) ont proposé de s’appuyer sur des ressources textuelles, en l’occurrence les Perspectives économiques de l’OCDE, et d’y comptabiliser les références aux tensions financières pour construire un indicateur mesurant celles-ci.

dimanche 5 novembre 2023

Quelle est l’empreinte de la Chine sur les marchés financiers internationaux ?

Les développements propres à l’économie américaine, notamment l’action de la Réserve fédérale, jouent un rôle crucial dans l’évolution des marchés financiers internationaux (Miranda-Agrippino et Rey, 2020). Les répercussions de l’économie chinoise sur les marchés financiers internationaux ont été moins étudiées, notamment en raison du moindre degré de développement économique et d’ouverture financière de la Chine. Or, elles ne sont guère négligeables, comme ont pu l’illustrer les inquiétudes suscitées sur les marchés financiers internationaux par le ralentissement de la croissance chinoise en 2015 et, plus récemment, par les problèmes relatifs au secteur immobilier chinois. Et de telles répercussions sont susceptibles de gagner en intensité, à mesure que l’économie chinoise s’ouvre financièrement et contribue à une part croissance de l’économie mondiale.

samedi 4 novembre 2023

L’économie, la discipline la plus élitaire ?

La science économique manque de diversité. Les femmes et les minorités ethniques sont sous-représentées dans la profession des économistes, que l’on regarde relativement à l’ensemble de la population ou bien relativement aux autres disciplines universitaires (Bayer et Rouse, 2016 ; Lundberg et Stearns, 2019 ; Ginther et Kahn, 2021 ; Sagot, 2021). Cela signifie que la science économique risque de se priver de talents et de souffrir d'une étroitesse de points de vue, c’est-à-dire de manquer d'« efficacité », notamment dans sa formulation de propositions en matière de politiques publiques.

vendredi 3 novembre 2023

Le miracle chinois : une histoire de quantité de travail ?

Au cours des trois dernières décennies, la Chine a enregistré des niveaux de croissance particulièrement élevés, lui permettant de fortement accroître son PIB par tête (cf. graphique). Beaucoup ont attribué l’essentiel de ce miracle à l’offre de travail favorable dont aurait bénéficié la Chine grâce à son dividende démographique : malgré la politique de l’enfant unique, la population chinoise a fortement augmenté, ce qui a permis une forte hausse de la part de la population en âge de travailler. Dans la mesure où ce dividende démographique est en train de s’effacer, beaucoup craignent que la croissance chinoise s’en trouve pénalisée. Ces craintes ont notamment conduit à un nouveau desserrement de la politique de fertilité en 2021, sept ans après l’abandon de la politique de l’enfant unique.