Comme dans bien d’autres pays, le Budget joue un rôle clé dans la stabilisation de l’activité économique aux Etats-Unis. Lors d’une récession, les dépenses publiques ont tendance à augmenter et les prélèvements obligatoires à diminuer, si bien que le solde primaire tend à se dégrader, ce qui stimule l’activité économique. Inversement, lors des expansions, les dépenses publiques sont freinées et les prélèvements obligatoires augmentent, si bien que le solde primaire a tendance à s’améliorer et l’activité économique s’en trouve freinée. C’est en l’occurrence le cas des finances publiques au niveau fédéral : comme le notent Brigid Meisenbacher et Daniel Wilson (2023), le solde primaire de l’Etat fédéral évolue très étroitement dans le même sens que le taux de chômage (cf. graphique 1). Ainsi, par exemple, entre 2007 et 2009, lors de la Grande Récession, le taux de chômage s’est rapproché des 10 % et le déficit primaire a en parallèle fortement augmenté.
L’évolution contracyclique du solde primaire tient, d’une part, aux stabilisateurs automatiques : la dégradation de l’activité économique tend mécaniquement à gonfler les dépenses publiques (par exemple, parce que le nombre de personnes dans la pauvreté, donc le nombre de bénéficiaires potentiels de Medicaid, augmente, ainsi que le nombre de chômeurs, donc le nombre de personnes indemnisées par l’assurance-chômage), tandis que les prélèvements obligatoires tendent mécaniquement à se réduire (notamment parce que, les individus gagnant moins de revenus et dépensant moins, l’Etat prélève moins d’impôts et de taxes). D’autre part, le gouvernement lui-même adopte des mesures discrétionnaires : par exemple, lors des récessions, il peut prendre la décision d'allonger la durée d’indemnisation du chômage, d'accorder des baisses d’impôts ou d'accroître ses dépenses d’investissement, précisément dans l’objectif de stimuler l’activité, selon une logique keynésienne.
Le solde primaire s’est également dégradé lors de la récession pandémique, mais l’expansion budgétaire a lors atteint une ampleur exceptionnelle au regard de ses tendances passées. Selon les estimations de Meisenbacher et Wilson, la hausse du déficit primaire lors de la pandémie a été bien plus ample que ce qui était attendu d’après le lien historique entre l’écart de production (output gap) et le déficit. Selon ce lien, en raison de l’ample écart de production, la hausse du déficit primaire aurait été équivalente à 7 % du PIB en 2020 ; en réalité, il a quasiment atteint les 11 %. En 2021, l’écart de production était retourné à sa moyenne historique et le déficit primaire aurait en conséquence dû revenir à 2 % du PIB ; il s’est en fait maintenu autour des 11 % du PIB.
La hausse du déficit primaire fédéral durant la récession pandémique s'explique en très grande partie par la hausse des dépenses primaires (cf. graphique 2). Durant la pandémie, les recettes fiscales sont restées assez proches de leur moyenne historique, mais les dépenses primaires ont fortement augmenté, avec l'adoption des plans de soutien budgétaire de l'administration Trump, puis de l'administration Biden.
Aux Etats-Unis, l’ampleur exceptionnelle de l’expansion budgétaire lors de la pandémie contribue à expliquer ces dernières années, non seulement le maintien de la croissance économique à un rythme robuste, mais également la hausse de l’inflation.
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