Au cours des trois dernières décennies, la Chine a enregistré des niveaux de croissance particulièrement élevés, lui permettant de fortement accroître son PIB par tête (cf. graphique). Beaucoup ont attribué l’essentiel de ce miracle à l’offre de travail favorable dont aurait bénéficié la Chine grâce à son dividende démographique : malgré la politique de l’enfant unique, la population chinoise a fortement augmenté, ce qui a permis une forte hausse de la part de la population en âge de travailler. Dans la mesure où ce dividende démographique est en train de s’effacer, beaucoup craignent que la croissance chinoise s’en trouve pénalisée. Ces craintes ont notamment conduit à un nouveau desserrement de la politique de fertilité en 2021, sept ans après l’abandon de la politique de l’enfant unique.
Xin Meng (2023) a cherché à savoir si le dividende démographique a effectivement constitué un moteur majeur de la croissance chinoise. Pour que ce soit le cas, elle a estimé qu’il aurait fallu que l’offre de travail augmente. Or, elle note que la hausse de la part de la population en âge de travailler a été compensée par une chute du taux d’activité. En effet, dans les années 1960 et au début des années 1970, le taux d’activité chinois s’élevait autour de 55 %, un faible niveau qui a notamment conduit à l’adoption d'une politique malthusienne dans les années 1970. Le taux d’activité a ensuite augmenté : il est passé de 56 % à 65 % entre 1974 et 1986, mais sans pour autant que la croissance économique ait en parallèle significativement augmenté. Le taux d’activité a ensuite continué d’augmenter, mais plus lentement, atteignant 73 % en 2010, tandis que la croissance du PIB par tête s’accélérait fortement (elle atteignit 9 % par an). A partir de 2010, le taux d’activité a chuté, alors que la croissance du PIB par tête restait très élevée. Or, avec cette baisse du taux d’activité, l’offre de travail n’aurait en définitive que très peu augmenté.
En parallèle, il y a eu plusieurs changements structurels touchant l'offre de travail. La baisse du taux d’activité a surtout concerné les plus jeunes et elle s’explique par l’allongement de la scolarité. En outre, une part importante de la main-d’œuvre s’est déversée d’un secteur agricole peu productif vers des emplois urbains plus productifs. Ce qui caractérise l’offre de travail en Chine n’est donc pas la hausse de sa quantité, mais ses changements structurels, notamment la hausse de sa « qualité ». Une fois que le changement structurel de l’offre de travail et la qualité de la main-d’œuvre sont inclues dans les régressions de Meng, celles-ci suggèrent que le taux d’activité n’est pas associé à la croissance économique.
En définitive, pour Meng, ces diverses observations n’amènent pas à valider l’hypothèse selon laquelle la hausse de la part de la population en âge de travail aurait joué un rôle majeur dans la croissance chinoise.
Référence