vendredi 29 octobre 2021

Le capital au vingtième siècle

Des travaux comme ceux de Thomas Piketty (2013) et de Piketty et Gabriel Zucman (2014) ont suggéré que le stock de patrimoine agrégé et les inégalités de patrimoine ont connu une évolution en forme de U tout au long du dernier siècle dans les pays occidentaux : fortement élevés au cours du dix-neuvième siècle, ils auraient diminué à partir de la Première Guerre mondiale pour atteindre un minimum autour des années 1970, avant de repartir à la hausse les décennies suivantes. Selon l'interprétation avancée par Piketty et ses divers coauteurs, les forces de marché auraient tendance à accroître le volume et la concentration du patrimoine, mais différents chocs (comme les guerres mondiales et la Grande Dépression) et des réformes institutionnelles (comme l’introduction d’une fiscalité progressive et le développement de la redistribution) auraient permis de les réduire au cours du vingtième siècle. L’adoption de politiques en faveur du marché, en réduisant la progressivité de l’impôt et en érodant le système redistributif, aurait directement contribué au « retour du capital » ces dernières décennies.

vendredi 22 octobre 2021

Anticipations d’inflation des entreprises : petites leçons d’une enquête française

De l’allocution présidentielle de Milton Friedman (1968) aux travaux des nouveaux keynésiens, en passant par les modèles des nouveaux classiques, notamment celui de Robert Lucas (1972), les anticipations d’inflation jouent un rôle déterminant dans la macroéconomie orthodoxe de ce dernier demi-siècle. Elles ont fini également par tenir une place essentielle dans les communications des banques centrales. Pourtant, les enquêtes visant à saisir les anticipations d’inflation étaient, jusqu’à une période récente, très rares, en particulier dans les pays développés. 

samedi 16 octobre 2021

L’immigration est-elle source de convergence culturelle ?

Les flux migratoires sont susceptibles d’entraîner des changements culturels. Dans les pays de destination des flux migratoires, les immigrés adoptent plus ou moins rapidement les valeurs des natifs (via l’assimilation), tandis que ces derniers peuvent adopter certains traits culturels des immigrés (via la dissémination). Paola Giuliano et Marco Tabellini (2020) ont ainsi observé que la présence historique d’immigrés d’Europe aux Etats-Unis avait renforcé les préférences pour la redistribution parmi les individus nés aujourd’hui aux Etats-Unis. 

mercredi 13 octobre 2021

Pourquoi les pauvres restent pauvres ? Petite leçon bangladaise

Il y a deux grandes visions pour expliquer pourquoi les pauvres restent pauvres. D’un côté, certains partent de l’idée que les individus font face aux mêmes opportunités, mais qu’ils diffèrent en termes de capacités, de talent ou de motivation. Autrement dit, selon cette première vision des choses, si certains se retrouvent à des emplois mal payés, c’est parce qu’ils sont dénués des capacités nécessaires pour occuper des emplois mieux rémunérés. D’autres partent au contraire de l’idée qu’il y a une inégalité d’opportunités liée à des inégalités initiales d’accès à la richesse, autrement dit que les individus peuvent se retrouver piégés dans une « trappe à pauvreté » : il existerait un seuil de richesse en-deçà duquel les individus restent pauvres [Kraay et McKenzie, 2014 ; Allègre, 2021]

samedi 9 octobre 2021

L’insaisissable explication de la baisse de la part du travail

Pendant longtemps, les économistes ont considéré que le partage de la valeur ajoutée, en l’occurrence entre travail et capital, était constant à long terme. Pour John Maynard Keynes (1939), « la stabilité de la proportion du dividende national rémunérant le travail » constitue « l’un des faits les plus surprenants, et pourtant les mieux établis, dans l’ensemble des statistiques économiques ». Nicholas Kaldor (1961) voyait dans la constance de la part du travail le premier de ses « faits stylisés » à propos de la croissance économique. 

dimanche 3 octobre 2021

Pourquoi les inégalités d’espérance de vie augmentent-elles ?

Les inégalités en termes d’espérance de vie ont récemment eu tendance à augmenter dans les autres pays développés (Case et Deaton, 2015 ; Chetty et alii, 2016 ; Currie et Schwandt, 2016 ; Hederos et alii, 2017). Par exemple, parmi les hommes, aux Etats-Unis comme au Danemark, les plus riches ont environ huit années en plus d’espérance de vie à 40 ans que les plus pauvres (cf. graphique).  Toujours parmi les hommes, l’écart d’espérance de vie à 40 ans entre les plus riches et les plus pauvres s’est creusé de 1,7 an aux Etats-Unis et de 0,9 an au Danemark entre 2001 et 2014. Au cours de cette période, ce même écart parmi les femmes s’est creusé de 1,8 an aux Etats-Unis, mais est resté constant au Danemark.

samedi 2 octobre 2021

Le rôle de la demande dans l’effondrement des échanges lors de la pandémie

Le commerce mondial s'est brutalement effondré durant la crise financière mondiale en 2009 et durant la phase la plus aigue de la crise du Covid-19 l’année dernière. Durant la crise financière mondiale, le volume combiné du PIB des pays de l’OCDE s’est contracté d’environ 5 % et le volume des importations de biens et services de 17 % entre le pic et le creux ; lors de la crise sanitaire, ces chiffres ont été respectivement de 12 % et 20 %. En termes de magnitude, la chute des échanges a été assez similaire lors des deux épisodes. Relativement à la chute du PIB, l’effondrement des échanges lors de la pandémie a été moindre que celui observé en 2009.