mardi 29 juin 2021

Les désastres naturels conduisent-ils à une relocalisation de la production ? L'exemple du séisme au Japon en 2011

L’épidémie de Covid-19 a rappelé la dépendance de chaque pays au commerce extérieur et notamment la nature internationalisée et très fragmentée des chaînes de valeur : dans la mesure où les différentes tâches de production d’un bien peuvent impliquer de très nombreux pays, les difficultés de production touchant un pays peuvent affecter aussi bien les entreprises et pays situés en amont de la chaîne d’approvisionnement, en les exposant à des pénuries, que les entreprises et pays situés en aval de celle-ci, en les exposant à une chute de la demande [Boehm et alii, 2019]. Ainsi, dans le sillage de la pandémie, beaucoup appellent ou s’attendent à une relocalisation de nombreuses unités de production au sein des pays développés, notamment en ce qui concerne la production de produits stratégiques et vitaux comme le matériel médical [Javorcik, 2020 ; Kilic et Marin, 2020]. D’autres doutent d’un bouleversement des chaînes d’approvisionnement [Antràs, 2020 ; Baldwin, 2020]. 

vendredi 25 juin 2021

Quelle a été la contribution de l’esclavage à la croissance américaine ?

Les pays européens ont eu recours à l’esclavage à l’instar des Etats-Unis, mais, à la différence de ces derniers, ils n’y ont guère recouru sur leur territoire métropolitain, n’y recourant essentiellement que dans leurs colonies outre-mer. L’esclavage a par contre été une « institution » de premier ordre sur le sol américain en y fournissant une importante main-d'œuvre bon marché et, malgré qu'il ait été aboli depuis un siècle et demi, son héritage continue de peser sur la société américaine, notamment en façonnant très étroitement les inégalités ethniques. 

jeudi 24 juin 2021

Sept décennies de reproduction sociale en Hongrie

Paweł Bukowski, Gregory Clark, Attila Gáspár et Rita Peto (2021) ont cherché à voir dans quelle mesure un profond changement de régime politique et économique est susceptible d'influencer la mobilité sociale. En l’occurrence, ils ont cherché à mesurer l’ampleur et l’évolution de la mobilité sociale en Hongrie pour les familles de milieux populaires et de milieux aisés sur la période allant de 1949 à 1989. La population hongroise a été assez homogène tout au long de cette période, mais cette dernière a connu successivement deux régimes politiques et économiques très différents l'un de l'autre. La sous-période allant de 1949 à 1989 correspond à celle de la république populaire de Hongrie, instaurée par l’Union soviétique au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait d’un régime communiste qui avait pour objectif affiché de favoriser les travailleurs. La période allant de 1989 à 2020 correspond par contre à celle d’une démocratie libérale moderne, tournée vers l’économie de marché. 

mercredi 23 juin 2021

Portrait de la mobilité intergénérationnelle à travers le monde

S’appuyant sur les données individuelles tirées de 400 enquêtes couvrant 153 pays et 97 % de la population mondiale nées dans les années 1980, Roy van der Weide, Christoph Lakner, Daniel Gerszon Mahler, Ambar Narayan et Rakesh Ramasubbaiah (2021) ont cherché à dresser le portrait mondial de la mobilité intergénérationnelle. Pour 87 % de la population mondiale, leur base de données leur permet d’observer les tendances en matière de mobilité intergénérationnelle pour les individus nés de 1950 à 1989.

vendredi 18 juin 2021

Quelle est la valeur sociale d’un vaccin contre la Covid-19 ?

Il y a un écart entre la valeur privée de la vaccination et sa valeur sociale. En effet, la vaccination génère des externalités positives, notamment pour les personnes qui ne sont pas vaccinées. En se vaccinant, un individu ne réduit pas seulement les chances qu'il contracte une maladie ; il réduit également les chances qu’il transmette la maladie aux autres. Et, au niveau collectif, la vaccination n’a pas des bénéfices sur le seul plan sanitaire : elle accroît le bien-être de la population, non seulement parce qu’elle freine la propagation d’une épidémie, accélère l’arrivée à l’immunité collective et contient les taux de mortalité, mais aussi parce qu’elle réduit la nécessité que les individus adoptent des gestes de distanciation physique ou que les autorités adoptent des mesures de confinement, des gestes et mesures nocifs à l’activité économique et à la cohésion sociale. Or, ces bénéfices ne sont qu’en partie pris en compte par un individu lorsqu’il prend la décision de se faire vacciner ou non. Lorsqu'une action génère des externalités positives, trop peu d'agents risquent d'entreprendre cette action au regard de ce qui serait optimal du point de vue collectif, dans la mesure où ils ne sont pas rémunérés à la hauteur des bénéfices que la société tire de cette action. En l'occurrence, dans le cas de la vaccination, trop peu d’individus risquent de se faire vacciner par rapport à ce qui serait optimal pour la société.

jeudi 17 juin 2021

Le fair play financier améliore-t-il les performances sportives des clubs de football ?

Ces dernières décennies ont été marquée par une tendance des clubs de football européens à creuser leurs pertes et à s’endetter. Loin d’être de simples entreprises, les clubs ne semblent guère chercher à maximiser leurs profits, peut-être parce que leurs dirigeants sont également en quête de prestige ; le cadre même de la compétition favorise peut-être propice à la mauvaise gestion, etc. Dans tous les cas, afin de mettre un terme à cette spiral d’endettement et veiller à la stabilité financière des clubs, l’UEFA a mis en place au début des années 2010 le fair play financier, un ensemble de règles empêchant les clubs qui se qualifient pour les compétitions de l’UEFA de dépenser davantage qu’ils n’ont obtenu de recettes. 

mercredi 16 juin 2021

Les accords internationaux contribuent à réorienter l’innovation en faveur de l’environnement

Le progrès technique joue un rôle fondamental pour atténuer les effets pervers de la croissance économique et, peut-être, permettre à celle-ci de se poursuivre à long terme tout en sauvegardant un minimum des ressources naturelles et contenir le changement climatique. Pour atteindre ces objectifs, les entreprises doivent en effet réorienter leur production : d’une part, elles doivent chercher à produire en utilisant moins de ressources naturelles et en polluant moins et, d’autre part, elles doivent proposer des produits moins énergivores et polluants à l’usage. Elles peuvent être plus ou moins directement incitées à le faire : la raréfaction de certains ressources naturelles, qui devrait se traduire par la hausse de leurs prix, incite directement les entreprises à rechercher des substituts ; les firmes peuvent être plus indirectement incitées à verdir leur production si leur clientèle exige une production et des produits plus éco-responsables ; les autorités publiques peuvent chercher à contenir l’usage et des produits polluants des ressources naturelles menacées de disparition, que ce soit en l’interdisant ou du moins en le limitant via la réglementation ou en le taxant. Mais une telle réorientation de la production n’est véritablement possible que si des substituts plus verts existent, d’où l’importance du progrès technique : si les substituts n’existent pas, ils doivent être trouvés. Ne serait-ce qu’en créant de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités de marché, le fait que la demande de substituts augmente est susceptible de stimuler l’innovation verte [Jaffe et alii, 2002 ; Popp et alii, 2010 ; Popp, 2019].

mardi 15 juin 2021

Pourquoi les gouvernements interviennent-ils après les crises financières ?

Les crises financières constituent un problème endémique pour les économies de marché ; la crise financière mondiale de 2008 et la crise de la dette publique en périphérie de la zone euro 2010 ont rappelé que les pays développés n’étaient pas préservés de tels événements. Et ce rappel a été particulièrement douloureux. En effet, les crises financières endommagent significativement et durablement l’activité économique : cette dernière ne parvient guère à suffisamment rebondir suite à une crise financière pour revenir à la trajectoire qu’elle suivait avant que celle-ci n’éclate. En l’occurrence, la production reste généralement inférieure de 8 à 9 % par rapport à sa trajectoire d’avant-crise [Cerra et Saxena, 2008 ; FMI, 2009 ; Reinhart et Rogoff, 2009].

vendredi 11 juin 2021

Plus de buts, moins de bébés !

Certains médias rapportent une hausse du nombre de naissances dans les villes ou pays dont l’équipe de football a remporté un championnat quelques mois plus tôt ; aux Etats-Unis, certains évoquent des « Super Bowl babies » pour qualifier ce qui semble être une vague de naissances pour les fans d’une équipe quelques mois après que celle-ci ait gagné au Super Bowl.

jeudi 10 juin 2021

Cette fois, ce n’est pas différent : la dynamique des rémunérations et des heures travaillées pendant la pandémie

Afin d'observer l'évolution des rémunérations et du temps de travail lors du cycle d'affaires, Brian Bell, Nicholas Bloom et Jack Blundell (2021) ont utilisé une base de données administratives relatives aux rémunérations au Royaume-Uni allant de la période allant de 1975 à 2020, une période marquée par quatre récessions (cf. graphique). 

mardi 8 juin 2021

Les confinements contiennent-ils la mortalité dans les pays pauvres ?

Depuis le printemps 2020, à travers le monde, les gouvernements ont adopté des confinements, plus ou moins stricts, plus ou moins longs, pour contenir la propagation de la pandémie de Covid-19 et en conséquence la mortalité. Ces mesures sanitaires ont un coût économique immédiat : elles se traduisent par une contraction de l'activité économique. Ainsi, pour évoquer l'opportunité ou les risques de l'adoption de telles mesures, beaucoup d’économistes [Hall et alii, 2020 ; Kim et Loayza, 2021], de commentateurs et de responsables politiques ont souvent évoqué un éventuel arbitrage entre santé et économie, entre vies sauvées et revenu.

samedi 5 juin 2021

Quels sont les coûts politiques de l’adoption de mesures climatiques ?

Les gouvernements peinent à adopter des mesures de politique d’atténuation des gaz à effet de serre suffisamment ambitieuses pour espérer contenir la hausse des températures d’ici 2100 en-deçà des 2 °C comme le prévoit l’Accord de Paris signé il y a maintenant plus de cinq ans. En conséquence, c’est bien le scénario d’une hausse de 4 °C vers lequel nous semblons nous diriger, et ce en supposant qu’il n’y ait pas de phénomènes d’emballement.

mardi 1 juin 2021

Qui sont ces prévisionnistes qui croient au taux de chômage naturel ?

Dans le sillage de la crise financière mondiale, les banques centrales ont tellement réduit leurs taux directeurs que ces derniers ont rapidement buté sur leur borne inférieure. Elles ont alors cherché à rendre leur politique monétaire davantage expansionniste en recourant à des moyens « non conventionnels », bien évidemment les achats d’actifs à grande échelle, mais aussi adoptant une forme de stratégie de forward guidance : elles ont mieux précisé leurs prévisions quant à leurs propres mesures de politique monétaire, par exemple la trajectoire future de leurs taux directeurs, afin de mieux piloter les anticipations des agents économiques. Il faut dire que ces derniers sont loin de partager les mêmes croyances quant aux perspectives économiques futures, et ce même parmi les prévisionnistes et les banquiers centraux.