mardi 31 octobre 2023

Comment les chocs d’offre sur l’inflation se généralisent-ils ?

Alors que l’inflation était restée faible et stable en 2020, elle a commencé à augmenter début 2021. Suite à la première vague de confinement au printemps 2020, la demande a rapidement rebondi, stimulée notamment par le soutien budgétaire des gouvernements et les politiques monétaires accommodantes. Les nouvelles vagues épidémiques et le maintien de mesures sanitaires ont ensuite continué de contraindre l’offre, comme le montre la hausse de la part d’entreprises déclarant souffrir de problèmes d’approvisionnement et de contraintes en matière de travail (Celasun et al., 2022 ; di Giovanni et al., 2022 ; Finck et Tillmann, 2022). Les prix de l’énergie ont commencé à augmenter en 2021, pour ensuite exploser l’année suivante avec la reprise de l’invasion russe de l’Ukraine.

dimanche 29 octobre 2023

Quand la hausse des prix du carburant déclenche-t-elle des conflits sociaux ?

Malgré les progrès (encore bien timides) vers la neutralité carbone, les carburants fossiles demeurent la principale source d’énergie. Ils n’ont guère de substitut et répondent à des besoins jugés essentiels. Une hausse du prix des carburants ne détériore pas seulement le pouvoir d’achat des ménages et la rentabilité des entreprises (ce qui en fait d’ailleurs un facteur de propagation de l’inflation) ; elle contraint la mobilité géographique en alourdissant les coûts de transport. En conséquence, elle est susceptible d’alimenter des conflits sociaux (Natalini et al., 2020 ; McCulloch et al., 2022). C’est fréquemment le cas des pays en développement, comme par exemple Haïti en juillet 2018, le Zimbabwe en janvier 2019 et le Nigeria en septembre 2020, mais les pays développés n’en sont pas épargnés, comme l’illustre le mouvement des gilets jaunes en France il y a cinq ans. Parfois, les mobilisations provoquées par les hausses du prix des carburants entraînent de véritables révolutions : ce fut le cas en Birmanie en 2007 ou plus récemment au Sri Lanka en mai 2022.

samedi 28 octobre 2023

La corruption tue

Les catastrophes naturelles sont inévitables, mais non la sévérité de leurs répercussions. Celle-ci dépend notamment de l’efficacité des secours, de la qualité des services de soins et de l’adoption et du respect de normes de sécurité en matière de construction. Ainsi, alors que la population mondiale augmenté, le nombre de morts occasionnés par les désastres naturels a fortement diminué depuis un siècle, notamment via l’amélioration des niveaux de vie (cf. graphique).

jeudi 26 octobre 2023

La pénalité associée à la grand-maternité

Le vingtième siècle a été marqué par un rattrapage des taux d’activité et des salaires des femmes relatives à ceux des hommes (Goldin, 2014). Mais cette convergence a eu tendance à ralentir ces toutes dernières décennies. La littérature a rattaché l’existence et la persistance des inégalités de genre sur le marché du travail aux inégalités de genre dans la répartition du travail domestique, en particulier la garde d'enfants (Bertrand et alii, 2010 ; Meurs et Pora, 2019). Plusieurs travaux ont mis en évidence l’existence d’une véritable « pénalité associée à la maternité », se traduisant par une chute significative et durable des rémunérations des femmes (et non de celle des hommes) immédiatement après l’arrivée du premier enfant (Kleven et al., 2019b ; Kleven et al., 2019a). Or, la garde des enfants en bas âge n'est pas la seule activité dont les femmes prennent en charge de façon disproportionnée. Il y a aussi la garde des petits-enfants. 

lundi 23 octobre 2023

Dans quelle mesure l’offre et la demande ont-elles contribué à l’inflation ces dernières décennies ?

Après être restée très faible dans le sillage de la Grande Récession, l’inflation a fortement augmenté suite à l’épidémie de Covid-19 (cf. graphique 1). Dans les pays développés, elle a retrouvé des niveaux qu’elle n’avait plus atteints depuis les années 1970. Certains mettent particulièrement en avant des facteurs du côté de la demande, en particulier les mesures de soutien budgétaire adoptées par les gouvernements, pour expliquer cette hausse de l’inflation (Furman, 2022 ; De Soyres et al., 2022). D’autres relient celui-ci à des facteurs du côté de l’offre, notamment les perturbations des chaînes de valeur (Di Giovanni et al., 2022). Or, l’identification des sources exactes de l’inflation peut s’avérer cruciale pour concevoir la réponse des banques centrales et des autorités budgétaires à l’inflation.

samedi 21 octobre 2023

Comment l’économie allemande s’est ajustée à la fin des importations de gaz russe

En février 2022, la Russie a lancé (ou, plutôt, repris) son invasion de l’Ukraine. Les autorités russes ont certainement parié que les Etats européens ne réagiraient guère en raison de leur forte dépendance au gaz russe ; l’Allemagne, par exemple, importait alors 55 % de son gaz de Russie. 

mercredi 18 octobre 2023

Le différentiel r-g influence-t-il la politique budgétaire des pays développés ?

Le débat sur la soutenabilité de la dette publique s’est concentré ces dernières années sur l’écart entre le taux d’intérêt des titres publics à long terme (r) et le taux de croissance du PIB (g). Dans la mesure où le différentiel r-g est resté négatif dans plusieurs pays développés dans les années précédant l’épidémie de Covid-19, certains en ont conclu que la dette publique de ces pays était globalement soutenable, voire même qu’ils pouvaient connaître un déficit budgétaire sans pour autant que le poids de la dette publique n’augmente (Blanchard, 2019). Ce raisonnement a fait l'objet de plusieurs critiques. Certains estiment que le différentiel est volatil ou qu'il s'avère peu informatif du risque de défaut souverain (Wyplosz, 2019 ; Rogoff, 2020 ; Mauro et Zhou, 2021). D'autres craignent qu’une baisse du différentiel r-g soit plus que compensé par une hausse du déficit budgétaire primaire (Checherita-Westphal et Domingues Semeano, 2020). 

samedi 7 octobre 2023

Où en est la reconfiguration des chaînes de valeur internationales ?

Ce dernier demi-siècle a été marqué par la fragmentation et l’internationalisation des chaînes d'approvisionnement : les processus productifs ont eu tendance à être divisés en un nombre toujours plus important de tâches et une part croissante de ces tâches a été réalisée, voire externalisée, à l’étranger. Mais ces dernières années, les chaînes de valeur ont été fortement perturbées par l’épidémie de Covid-19 et les mesures adoptées par les autorités en vue de la contenir, ainsi que par la montée des tensions géopolitiques, notamment la rivalité sino-américaine et l’invasion russe de l’Ukraine. Avec ces perturbations, se sont multipliés les appels à relocaliser une partie de la production à proximité (« near-shoring ») et dans des pays amis (« friend-shoring ») pour sécuriser les approvisionnements. En conséquence, les chaînes de valeur ont eu tendance à se reconfigurer.

dimanche 1 octobre 2023

La spirale prix-salaires selon les nouveaux keynésiens

L’inflation a fortement augmenté dans le sillage de l’épidémie de Covid-19. C’est notamment le cas aux Etats-Unis où les administrations Trump et Biden ont adopté d’importants plans de soutien budgétaire pour amortir les répercussions économiques de la pandémie. Certains, comme Larry Summers (2021) et Olivier Blanchard (2021), ont rapidement exprimé leurs craintes quant au risque inflationniste d’une telle stimulation : la demande globale étant stimulée alors même que l’offre était contrainte, le PIB risquait d’être supérieur à son potentiel et les prix s’ajusteraient alors à la hausse.