lundi 2 janvier 2023

Les conséquences macroéconomiques d’une perturbation des chaînes de valeur mondiales

Ces quatre dernières décennies, les entreprises ont fragmenté de façon toujours plus poussée leurs processus productifs et fait réaliser une part croissante de leurs tâches de production à l’étranger. Les chaînes d’approvisionnement se sont ainsi internationalisées : la production d’un bien implique souvent plusieurs pays. Cette fragmentation des processus productifs permet aux entreprises de tirer profit des avantages comparatifs des autres pays et ainsi de gagner en efficacité (Antràs, 2020).

Le revers de ce processus est que les pays sont devenus de plus en plus vulnérables aux éventuelles perturbations des chaînes de valeur internationales. Ces dernières ont par exemple été perturbées par le tremblement de terre du Tōhoku au Japon en 2011 (Freund et alii, 2021) et, depuis quasiment trois ans désormais, par l’épidémie de Covid-19 et les mesures adoptées pour contenir celles-ci, notamment les confinements (Aiyar et alii, 2022).

Or, si l’internationalisation des chaînes de valeur a pu contribuer à stabiliser l’inflation au cours des trois décennies qui ont précédé la pandémie (Auer et alii, 2017), leurs perturbations peuvent réciproquement alimenter l’inflation. Les perturbations provoquées par la pandémie et les confinements contribuent en l’occurrence à expliquer la hausse de l’inflation observée ces deux dernières années (Giovanni et alii, 2022)

David Finck et Peter Tillmann (2022) ont cherché à estimer les effets macroéconomiques des perturbations des chaînes de valeur mondiales sur la zone euro en s’appuyant sur un modèle VAR. Ils se sont penchés sur les répercussions de trois chocs, en l’occurrence le séisme du Tōhoku en 2011, le blocage du Canal de Suez en 2021 et le confinement de Shanghai en 2022.

Ils constatent qu’une perturbation des chaînes de valeur internationales tend, au sein de la zone euro, à dégrader l’activité économique réelle et à pousser à la hausse les  prix à la consommation. Les chocs touchant les chaînes de valeur mondiales expliquent une part significative de la dynamique du cycle d’affaires : à l’horizon d’un an, ces chocs expliquent 9 % des fluctuations de la production industrielle et 29 % de la dynamique de l’inflation. 

Finck et Tillmann ont utilisé des données régionales sur les pressions sur les chaînes d’approvisionnement pour isoler les chocs provenant de la Chine. Selon leurs estimations, ces derniers ont un effet quantitativement similaire sur la production industrielle que les perturbations des chaînes de valeur trouvant leur origine en-dehors de Chine. Toutefois, les prix à la consommation réagissent bien plus aux perturbations des chaînes de valeur lorsque celles-ci sont occasionnées en-dehors de la Chine qu’au sein de celle-ci. Une fois la dynamique des deux variables décomposée, il apparaît que les chocs originaires de Chine jouent un plus grand rôle que les autres chocs dans la dynamique de la production industrielle ; par contre, les chocs qui trouvent leur origine en-dehors de la Chine jouent un plus grand rôle dans la dynamique des prix à la consommation. 

 

Références

AIYAR, Shekhar, Davide MALACRINO, Adil MOHOMMAD & Andrea PRESBITERO (2022), « International trade spillovers from domestic COVID-19 lockdowns », FMI, working paper, n° 22/120. 

ANTRÀS, Pol (2020), « Conceptual aspects of global value chains », World Bank Economic Review, vol. 34, n° 3. 

AUER, Raphael, Claudio BORIO & Andrew J. FILARDO (2017), « The globalisation of inflation: The growing importance of global value chains », BRI, working paper, n° 602. 

FINCK, David, & Peter TILLMANN (2022), « The macroeconomic effects of global supply chain disruptions », BOFIT, discussion paper, n° 2022-14. 

FREUND, Caroline, Aaditya MATTOO, Alen MULABDIC & Michele RUTA (2021), « Natural disasters and the reshaping of global value chains », Banque mondiale, policy research working paper, n° 9719. 

GIOVANNI, Julian di, Ṣebnem KALEMLI-ÖZCAN, Alvaro SILVA & Muhammed A. YILDIRIM (2022), « Global supply chain pressures, international trade, and inflation », NBER, working paper, n° 30240.