samedi 21 janvier 2023

Comment les dépenses des ménages réagissent-elles à la politique monétaire ?

Francesco Grigoli et Damiano Sandri (2023) ont examiné la transmission de la politique monétaire aux dépenses des ménages. Pour cela, ils ont utilisé les données relatives à un million de comptes courants allemands sur la période allant de 2017 à 2021. Ces données ont notamment l’avantage d’être disponibles à un rythme quotidien. 

En les examinant, Grigoli et Sandri constatent qu’une hausse des taux d’intérêt à court terme a un impact négatif significatif sur les dépenses réglées par carte bancaire et que cet effet se matérialise assez rapidement, en l’occurrence dans un délai d’environ six mois. Par contre, une fois contrôlés les effets des taux d’intérêt à court terme, il apparaît que la variation des taux d’intérêt de long terme n’ont pas d’effets significatifs. Ce résultat suggère que les mesures conventionnelles de politique monétaire, qui agissent directement sur les taux d’intérêt à court terme, exercent des effets bien plus significatifs que les mesures non conventionnelles, notamment l’assouplissement quantitatif et le forward guidance, qui agissent sur les rendements à long terme.

En outre, les effets de la politique monétaire sur les dépenses des ménages se révèlent hautement asymétriques. En l’occurrence, les resserrements monétaires dépriment les dépenses des ménages réglées par carte bancaire, tandis que les assouplissements monétaires ne les stimulent guère (cf. graphique). Cette observation rejoint celle obtenue à partir de données américaines (Tenreyro et Thwaites, 2016 ; Angrist et alii, 2018 ; Barnichon et Matthes, 2018). Elle amène à interroger sur l’intérêt d’utiliser la relance monétaire pour soutenir la demande globale lors des récessions ; il semble alors plus efficace de recourir à la relance budgétaire lors de celles-ci. 

Comme les données relatives aux comptes courants donnent notamment des informations sur les caractéristiques de leurs détenteurs et de leurs dépenses, Grigoli et Sandri les utilisent pour voir dans quelle mesure les effets de la politique monétaire diffèrent selon les caractéristiques des ménages et des dépenses. Ils constatent que ces effets sont très hétérogènes. Par exemple, un resserrement monétaire entraîne une forte contraction des dépenses facultatives, mais non des dépenses courantes. En outre, il apparaît que les resserrements monétaires affectent le plus fortement les ménages à haut revenu. Par contre, les effets de la politique monétaire ne diffèrent ni selon le genre, ni selon la classe d’âge des consommateurs. Ils sont également similaires pour les dépenses effectuées en ligne et pour les dépenses réalisées physiquement.


Références

ANGRIST, Joshua D., Oscar JORDÀ & Guido M. KUERSTEINER (2018), « Semiparametric estimates of monetary policy effects: String theory revisited », Journal of Business & Economic Statistics, vol. 36, n° 3.

BARNICHON, Regis, & Christian MATTHES (2018), « Functional approximation of impulse responses », Journal of Monetary Economics, vol. 99.

GRIGOLI, Francesco, & Damiano SANDRI (2023), « Monetary policy and credit card spending », BRI, working paper, n° 1064. 

TENREYRO, Silvana, & Gregory THWAITES (2016), « Pushing on a string: US monetary policy is less powerful in recessions », American Economic Journal: Macroeconomics, vol. 8, n° 4.