samedi 28 octobre 2023

La corruption tue

Les catastrophes naturelles sont inévitables, mais non la sévérité de leurs répercussions. Celle-ci dépend notamment de l’efficacité des secours, de la qualité des services de soins et de l’adoption et du respect de normes de sécurité en matière de construction. Ainsi, alors que la population mondiale augmenté, le nombre de morts occasionnés par les désastres naturels a fortement diminué depuis un siècle, notamment via l’amélioration des niveaux de vie (cf. graphique).

La sévérité des catastrophes naturelles dépend en effet du niveau de développement économique des pays. Elle dépend aussi de la qualité du cadre institutionnel. En l’occurrence, la corruption est susceptible d’aggraver les conséquences des désastres naturels, notamment le nombre de pertes en vies humaines. En détournant l’argent public et en interférant dans l’élaboration de la réglementation, elle risque notamment de se traduire par une plus grande vulnérabilité des bâtiments aux catastrophes et une moindre efficacité des secours.

En étudiant les séismes dans 75 pays dans la période allant de 1975 à 2003 et en contrôlant le niveau de développement des pays, Monica Escaleras et al. (2007) ont bien constaté une corrélation positive entre la corruption et le nombre de morts provoqués par les séismes.

Explorant un plus large ensemble de catastrophes naturelles, Serhan Cevik et João Tovar Jalles (2023) ont utilisé un échantillon de données relatives à 135 pays pour la période allant de 1980 à 2020 pour étudier dans quelle mesure la corruption augmente les pertes humaines provoquées par les désastres naturels. Une fois contrôlés les facteurs économiques, démographiques, sanitaires et institutionnels, Cevik et Jalles constatent que la corruption augmente le nombre de morts provoqués par les catastrophes naturelles : plus le niveau de corruption dans un pays est élevé, plus la part de la population décimée par des désastres naturels est importante. L’effet est très significatif : entre le pays le moins corrompu et le pays le plus corrompu, le nombre de morts « par tête » est multiplié par six. 

Les catastrophes naturelles se révèlent déjà bien plus coûteuses en vies humaines dans les pays pauvres en raison de leur faible niveau de développement ; le coût humain de ces désastres y est de surcroît alourdi par la plus grande prégnance de la corruption dans ces pays.


Références

CEVIK, Serhan, & João Tovar JALLES (2023), « Corruption kills: Global evidence from natural disasters », FMI, working paper, n° 23/220. 

ESCALERAS, Monica, Nejat ANBARCI & Charles A. REGISTER (2007), « Public sector corruption and major earthquakes: A potentially deadly interaction », in Public Choice, vol. 132, n° 1/2.