Le débat sur la soutenabilité de la dette publique s’est concentré ces dernières années sur l’écart entre le taux d’intérêt des titres publics à long terme (r) et le taux de croissance du PIB (g). Dans la mesure où le différentiel r-g est resté négatif dans plusieurs pays développés dans les années précédant l’épidémie de Covid-19, certains en ont conclu que la dette publique de ces pays était globalement soutenable, voire même qu’ils pouvaient connaître un déficit budgétaire sans pour autant que le poids de la dette publique n’augmente (Blanchard, 2019). Ce raisonnement a fait l'objet de plusieurs critiques. Certains estiment que le différentiel est volatil ou qu'il s'avère peu informatif du risque de défaut souverain (Wyplosz, 2019 ; Rogoff, 2020 ; Mauro et Zhou, 2021). D'autres craignent qu’une baisse du différentiel r-g soit plus que compensé par une hausse du déficit budgétaire primaire (Checherita-Westphal et Domingues Semeano, 2020).
Dans une nouvelle étude, Philipp Heimberger (2023) s’est quant à lui demandé si l’orientation de la politique budgétaire discrétionnaire était influencée par le différentiel r-g. Pour cela, il a réalisé des régressions de panel à partir des données relatives à vingt pays développés pour la période allant de 1990 à 2019. Leur échantillon inclut dix pays-membres de la zone euro et dix autres pays développés. Cette distinction est potentiellement importante : les premières diffèrent des seconds dans la mesure où ils ne s’endettent pas dans leur monnaie nationale et où ils sont aussi soumis à des règles budgétaires qui limitent l’ampleur de leur déficit public et de leur dette publique.
Heimberger ne met pas en évidence une relation linéaire systématique entre la politique budgétaire et r-g. Par conséquent, il ne valide pas l’hypothèse selon laquelle les gouvernements tendent à adopter une politique budgétaire plus expansionniste quand le différentiel s’avère plus favorable.
Cependant, Heimberger note qu’une hausse du différentiel r-g défavorables amène à prédire un resserrement de la politique budgétaire à mesure que le ratio dette publique sur PIB augmente. Ce résultat ne s’observe toutefois que dans le cas de la zone euro. Il suggère que la plus grande inclination des pays-membres de la zone euro à resserrer leur politique budgétaire tient à l'architecture institutionnelle de celle-ci : le fait que les Etats-membres s'endettent dans la devise commune, et non dans une monnaie nationale, les expose davantage à des paniques autoréalisatrices sur les marchés obligataires, ce qui doit davantage les inciter à resserrer leur politique monétaire quand leur dette publique est élevée, même quand le différent r-g est favorable.
Références
WYPLOSZ, Charles (2019), « Olivier in wonderland », VoxEU.org, 17 juin.