Après le choc immédiat de la pandémie, en particulier des premiers confinements, l’activité économique a vite rebondi, mais la reprise s’est retrouvée contrainte du côté de l’offre : non seulement la demande a fortement rebondi alors même que l’offre est relativement inélastique à court terme, mais en outre la demande s’est réallouée des services vers les biens (cf. graphique 1), entraînant des goulots d’étranglement. Les délais de livraison se sont creusés, les frais de transport ont explosé, des pénuries d’intrants et de biens finaux sont apparues et le prix de plusieurs biens a fortement augmenté, alimentant plus globalement les pressions inflationnistes.
Dans une nouvelle étude du FMI, Oya Celasun, Niels-Jakob Hansen, Aiko Mineshima, Mariano Spector et Jing Zhou (2022) confirment que les goulots d’étranglement du côté de l’offre ont fortement pesé sur la production. En l’occurrence, en 2021, la stimulation de la production exercée par la demande a été en grande partie compensée par des chocs d’offre négatifs et elle a même été plus que compensée par ceux-ci dans certains cas (cf. graphique 2). Selon les estimations de Celasun et de ses coauteurs, la production manufacturière de la zone euro aurait été 6 % plus élevée en 2021 en l’absence de goulots d’étranglement. En se basant sur la corrélation observée par le passée entre la production manufacturière et le PIB, ils estiment que le PIB de la zone euro aurait été 2 % plus élevé en l’absence de goulots d’étranglement.
La production a été particulièrement freinée dans les pays où les firmes industrielles opèrent en aval de la chaîne de valeur et dépendent tout particulièrement d’intrants différenciés ; c’est notamment le cas de pays comme l’Allemagne et la Tchéquie, en raison de l’importance du secteur automobile dans leur économie.
Celasun et ses coauteurs concluent également que les contraintes du côté de l’offre ont significativement contribué à la hausse des prix des biens manufacturés observée dans la zone euro, mais la vigueur de la demande a également contribué à celle-ci. En effet, au cours des trois premiers trimestres de l’année 2021, l’inflation des prix à la production dans le secteur manufacturier a été supérieure de dix points de pourcentage à sa tendance prépandémique. Les chocs d’offre expliquent environ la moitié de la hausse des prix à la production ; le reste s’explique pour l’essentiel par la demande.
Pour autant, notamment parce que les services continuent de représenter la majorité des dépenses des consommateurs, les contraintes du côté de l’offre ont eu un effet moins marqué sur l’inflation sous-jacente : si l’on exclut les prix des produits énergétiques et alimentaires, l’inflation des prix à la consommation n’a été que 0,5 point de pourcentage supérieure à ce qu’elle aurait été en l’absence de goulots d’étranglement.
L’année dernière, les expertes de l’industrie s’attendaient à ce que les pénuries de voiture se soient en grande partie dissipées d’ici le milieu de l’année 2022 et que, plus globalement, les goulots d’étranglement se soient dissipés d’ici la fin de l’année 2022. Or, avec la vague épidémique associée au variant Omicron, les perturbations devraient davantage durer, si bien que Celasun et ses coauteurs estiment que les goulots d’étranglement devraient persister jusqu’en 2023.
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