vendredi 4 février 2022

Les invisibles défauts sur les prêts chinois

Ces deux dernières décennies, les prêts chinois accordés aux pays en développement ont connu un boom. L’Etat chinois et les banques publiques chinoises sont devenus les principaux prêteurs pour le monde en développement. Or, les institutions chinoises ont accordé ces prêts de façon très opaque. Cela s’explique notamment par le fait que les principaux prêteurs chinois ont exigé une stricte confidentialité de la part de leurs emprunteurs. En étudiant la pratique de prêts de la Chine sur la période allant de 2000 à 2017, Sebastian Horn, Carmen Reinhart et Christoph Trebesch (2021) avaient ainsi conclu qu’environ la moitié des prêts chinois n’étaient pas capturés par les statistiques internationales sur la dette. Cette pratique constitue donc une source potentielle d’instabilité et de contagion financières : puisque ces « dettes cachées » ne sont pas l’objet d’une surveillance par les institutions internationales, l’endettement des pays en développement et le risque que celui-ci fait peser sur le reste du système financier mondial sont sous-estimés.

Le boom de prêts chinois accordés aux pays en développement semble avoir pris fin. Comme les précédents booms de prêts, celui que l’économie mondiale a récemment connu a été suivi par des problèmes et des défauts de remboursement, en particulier dans le sillage de la pandémie. Mais dans la mesure où les prêts chinois ont été accordés dans une grande opacité et où leur suivi n’est pas rendu public, les défauts de paiement auxquels ils ont aboutis et les éventuelles procédures de restructuration de la dette auxquelles ceux-ci ont pu donner lieu sont restés dissimulés.

Dans une nouvelle étude, Sebastian Horn et alii (2022) ont construit une base de données relatives aux restructurations des prêts que les institutions chinoises ont accordés aux Etats des pays en développement. Ils constatent que les défauts de remboursement et les restructurations de la dette pour les prêts chinois sont fréquents, en l’occurrence bien plus fréquents que les restructurations effectuées habituellement sur les marchés de la dette publique ou dans le cadre du Club de Paris.

En creusant davantage, Horn et ses coauteurs constatent que les autorités chinoises ont adopté une approche de la résolution qui n’est pas sans rappeler celle adoptée par les prêteurs occidentaux dans les années 1980 : elles sont réticentes à accorder un large allègement de la dette avec une réduction de la valeur faciale de celle-ci (c’est-à-dire à appliquer ce que finit par préconiser le plan Brady du début des années 1990), préférant allonger les périodes de remboursement. Pour Horn et ses coauteurs, cette approche ne peut conduire, comme dans les années 1980, qu’à des défauts et des restructurations en série et à de véritables décennies perdues pour les pays endettés.


Références

HORN, Sebastian, Carmen REINHART & Christoph TREBESCH (2021), « China’s overseas lending », Journal of International Economics, vol. 133.

HORN, Sebastian, Carmen REINHART & Christoph TREBESCH (2022), « Hidden defaults », Kiel, working paper, n° 2208.