samedi 26 février 2022

Quelles sont les conséquences des droits de douane sur les chaînes de valeur mondiales ?

Pendant plusieurs décennies, la baisse régulière des droits de douane a contribué à stimuler les échanges internationaux, notamment en favorisant l’internationalisation des chaînes de valeur. Alors que la crise financière mondiale de 2008 laissait présager une accentuation des tensions commerciales, ces dernières sont restées contenues pendant encore près d’une décennie. Puis, en avril 2017, l’administration Trump a déclenché une guerre commerciale vis-à-vis de plusieurs de ses partenaires commerciaux, en particulier de la Chine : elle a relevé les droits de douane sur de nombreuses importations américaines de produits chinois (allant de l’acier aux machines à laver, c’est-à-dire touchant différentes étapes de la production) et la Chine a relevé en représailles ses droits de douanes sur plusieurs importations de produits américains.

Johannes Eugster, Florence Jaumotte, Margaux MacDonald et Roberto Piazza (2022) ont étudié empiriquement quels sont les effets de droits de douane lorsque la production est internationalisée. Pour cela, ils ont construit quatre indicateurs mesurant l’exposition directe ou indirecte aux droits de douane à différentes étapes de la production pour un large ensemble de pays et de secteurs. 

Leur analyse suggère tout d’abord que les droits de douane n’améliorent généralement pas la situation économique du pays qui les a adoptés. Cela s’explique, d’une part, par le fait que les droits de douane ont un effet négligeable ou négatif sur les secteurs qu’ils visent à protéger et, d’autre part, par le fait que le pays recourant aux droits de douane connait en conséquence de ceux-ci une hausse de ses coûts d’approvisionnement en intrants.

Ensuite, Eugster et ses coauteurs constatent que les droits de douane affectent les pays et secteurs qu’ils ne ciblent pas directement. Certains pays ou secteurs peuvent tirer profit des droits de douane : c’est le cas lorsque ces derniers pénalisent leurs concurrents. D’autres pays ou secteurs dont les produits ne sont pas ciblés par les droits de douane peuvent perdre en débouchés : c’est par exemple le cas lorsque les pays impliqués dans une guerre commerciale réduisent leurs importations d’intrants en provenance de pays tiers en réduisant leurs échanges bilatéraux.

Enfin, il apparaît que les guerres commerciales nuisent aux deux pays qui y sont directement impliqués. Même si un pays visé par un droit de douane ne réplique pas, celui qui en est à l’origine n’en tire souvent pas de bénéfice. En effet, les importations faisant l’objet de droits de douane risquent en fait d’être remplacées par des importations provenant d’autres pays, ce qui n’améliore ni son solde extérieur, ni l’emploi domestique. Par contre, Eugster et ses coauteurs concluent que les guerres commerciales peuvent bénéficier aux pays tiers en détournant vers eux une partie du commerce. Ce résultat va dans le sens de celui auquel aboutirent Pablo Fajgelbaum et alii (2021) en étudiant les répercussions de la guerre commerciale sino-américaine.

 

Références

EUGSTER, Johannes, Florence JAUMOTTE, Margaux MACDONALD & Roberto PIAZZA (2022), « The effect of tariffs in global value chains », FMI, working paper, n° 22/40.

FAJGELBAUM, Pablo, Pinelopi K. GOLDBERG, Patrick J. KENNEDY, Amit KHANDELWAL & Daria TAGLIONI (2021), « The US-China trade war and global reallocations », NBER, working paper, n° 29562.