dimanche 13 février 2022

Vaccination anti-Covid : des intentions aux actes

Malgré les coûts humains, psychologiques, économiques et sociaux tant de l’épidémie de Covid-19 que des mesures restrictives adoptées pour la freiner, des millions de personnes à travers le monde refusent toujours de se faire vacciner contre le coronavirus. 

Dans une nouvelle étude, Vincenzo Galasso, Vincent Pons, Paola Profeta, Michael Becher, Sylvain Brouard et Martial Foucault (2022) ont cherché à identifier les déterminants des intentions en matière de vaccination anti-Covid fin 2020, lorsque la campagne vaccinale débutait, et à observer comment les individus se sont effectivement comportés les mois suivants. Pour cela, ils ont utilisé des données tirées de deux enquêtes menées auprès de la population adulte dans neuf pays développés, à savoir l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, les Etats-Unis, la France, l’Italie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la Suède. La première enquête a été menée en décembre 2020 et la seconde en juin-juillet 2021, lorsqu’une très grande majorité de la population de ces pays avait d’ores et déjà été vaccinée.

En décembre 2020, il y avait de larges différences dans les intentions de se faire vacciner, non seulement au sein de chaque pays, mais aussi entre les pays. La part d’individus se révélant réticents à se faire vacciner allait de 10 % au Royaume-Uni à 37 % en Autriche ; la part d’individus favorables à la vaccination allait de 38 % en France à 74 % au Royaume-Uni.

En analysant leurs données, Galasso et ses coauteurs identifient plusieurs facteurs sociodémographiques jouant sur les intentions en matière de vaccination : les 35-49 ans avaient moins l’intention de se faire vacciner que les 18-34 ans, les travailleurs du tertiaire et les cols bleus avaient moins l’intention de se faire vacciner que les cols blancs et les femmes avaient moins l’intention de se faire vacciner que les hommes. Des facteurs comportementaux jouaient : les intentions de se faire vacciner étaient plus faibles parmi les individus qui sont les moins informés via les médias traditionnels, parmi les individus qui se conformaient le moins aux règles de santé publique et parmi ceux qui croyaient avoir peu de chances d’être infectés par le coronavirus ou d’en être gravement malades. En termes d’attitudes individuelles, les intentions de se faire vacciner étaient les plus faibles parmi ceux qui avaient le moins de confiance envers les scientifiques, parmi ceux qui croyaient qu’il n’y avait pas eu assez de recul pour évaluer les effets secondaires des vaccins et parmi ceux qui croyaient que l’épidémie de Covid-19 a été créée par de grosses firmes cherchant à en tirer d’amples profits. Les personnes les plus susceptibles de n’avoir guère l’intention de se faire vacciner étaient davantage susceptibles d’avoir plus de 35 ans, d’être des femmes, de penser avoir peu de chances de tomber malades et/ou de contracter des formes sévères de maladie, d’avoir peu de confiance envers les scientifiques et de croire que les effets secondaires des vaccins n’avaient pas été assez étudiés. 

En s’appuyant sur la deuxième enquête, Galasso et ses coauteurs constatent que la moitié des personnes qui s’étaient déclarées réticentes à se faire vacciner en décembre 2020 étaient vaccinées au début de l’été 2021 ; la part tombe à un tiers parmi les plus réticentes. Quant à ceux qui étaient initialement les plus enclins à se faire vacciner, 83,6 % d’entre eux s’étaient fait vacciner.

Galasso et ses coauteurs ont alors étudié quels facteurs ont pu amener les individus à se conformer à leurs intentions ou bien à changer d’avis. Il apparaît que les plus vieilles cohortes étaient davantage susceptibles de s’être faites vacciner que les plus jeunes (mais peut-être parce que ces dernières s’étaient vu proposer l’accès à la vaccination que bien plus tard) ; les cols bleus et les inactifs étaient moins susceptibles de s’être faits vacciner que les cols blancs. Les inquiétudes à propos des risques de santé, l’exposition indirecte à la Covid-19 via les amis et les proches, le fait de vivre avec sa famille et la conformité avec les règles sanitaires publiques favorisaient la vaccination. Les individus les plus exposés aux informations fournies par la télévision, la radio et les journaux, mais non les médias sociaux, et qui étaient les plus confiants vis-à-vis des scientifiques étaient les plus susceptibles de s’être faits vacciner. Quant aux personnes initialement réticentes à se faire vacciner, mais qui ont fini par se faire vacciner, la plupart de ces facteurs contribuent à expliquer pourquoi elles ont finalement accepté de se faire vacciner. 

La confiance vis-à-vis des vaccins apparaît comme un déterminant important derrière la vaccination ; les inquiétudes à propos des effets secondaires du vaccin contribuent tout particulièrement à réduire la probabilité que les personnes réticentes à se faire vacciner acceptent finalement de se faire vacciner. L’aversion au risque réduisant la probabilité de se faire vacciner chez les anti-vax, il se pourrait que ces derniers soient davantage inquiets des effets secondaires de la vaccination que du risque d’être infectés par le coronavirus.


Référence

GALASSO, Vincenzo, Vincent PONS, Paola PROFETA, Michael BECHER, Sylvain BROUARD & Martial FOUCAULT (2022), « From anti-vax intentions to vaccination: Panel and experimental evidence from nine countries », CESifo, working paper, n° 9564.