Il y a un écart entre la valeur privée de la vaccination et sa valeur sociale. En effet, la vaccination génère des externalités positives, notamment pour les personnes qui ne sont pas vaccinées. En se vaccinant, un individu ne réduit pas seulement les chances qu'il contracte une maladie ; il réduit également les chances qu’il transmette la maladie aux autres. Et, au niveau collectif, la vaccination n’a pas des bénéfices sur le seul plan sanitaire : elle accroît le bien-être de la population, non seulement parce qu’elle freine la propagation d’une épidémie, accélère l’arrivée à l’immunité collective et contient les taux de mortalité, mais aussi parce qu’elle réduit la nécessité que les individus adoptent des gestes de distanciation physique ou que les autorités adoptent des mesures de confinement, des gestes et mesures nocifs à l’activité économique et à la cohésion sociale. Or, ces bénéfices ne sont qu’en partie pris en compte par un individu lorsqu’il prend la décision de se faire vacciner ou non. Lorsqu'une action génère des externalités positives, trop peu d'agents risquent d'entreprendre cette action au regard de ce qui serait optimal du point de vue collectif, dans la mesure où ils ne sont pas rémunérés à la hauteur des bénéfices que la société tire de cette action. En l'occurrence, dans le cas de la vaccination, trop peu d’individus risquent de se faire vacciner par rapport à ce qui serait optimal pour la société.
Quelques études ont cherché à estimer quel montant les individus seraient prêts à payer pour obtenir un hypothétique vaccin contre la Covid-19. Une enquête suggère que la moitié des adultes aux Etats-Unis étaient prêts à payer 50 dollars pour un tel vaccin et qu’un quart était prêt à payer 75 dollars [Crane et alii, 2020]. A partir d’une étude menée auprès des classes moyennes et des milieux aisés au Chili, Arcadio Cerda et Leidy García (2020) ont obtenu une disposition à payer équivalente à 232 dollars.
Dans une nouvelle étude, Joan Costa-Font, Caroline Rudisill, Sayward Harrison et Luca Salmasi (2021) ont cherché à déterminer quelle était la disposition à payer pour un hypothétique vaccin contre la Covid-19 en s’appuyant sur une enquête menée en juillet 2020 dans quatre pays développés, en l’occurrence les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie. Ils ont estimé la valeur monétaire d’un vaccin contre le coronavirus indépendamment de son efficacité et de ses caractéristiques en utilisant la méthode de la « carte de paiement » : les répondants se voient proposer un vaste éventail de propositions et doivent indiquer la valeur représentant leur propension maximale à payer [Mitchell et Carson, 1989]. Costa-Font et ses coauteurs ont abouti à une valeur moyenne de disposition à payer comprise entre 100 et 200 dollars PPA. En moyenne, ce sont les habitants du Royaume-Uni qui présentent la plus forte disposition à payer et les Américains qui présentent la plus faible disposition à payer ; ce dernier résultat s'explique par la plus grande proportion de personnes défiantes vis-à-vis du gouvernement parmi la population américaine que dans les autres pays. En outre, l’analyse suggère que les individus qui ont été contaminés par le coronavirus présentent une disposition à payer significativement plus forte que les autres répondants.
Costa-Font et ses coauteurs concluent au terme de leur analyse que la valeur sociale d’un vaccin contre la Covid-19 est significativement plus élevée que le prix effectif de n’importe quel vaccin, ce qui suggère que la vaccination contre le coronavirus génère d'importants gains en bien-être. Au vu de ces derniers, il apparaît notamment justifié que les coûts de vaccination soient pleinement pris en charge pour inciter la population à se faire vacciner.
Références
MITCHELL, Robert Cameron, & Richard T. CARSON (1989), Using Surveys to Value Public Goods: The Contingent Valuation Method, RFF Press.