vendredi 10 novembre 2023

Quel est l'impact des tensions financières sur l’activité économique ?

Toute étude des crises financières rencontre immédiatement une difficulté : il est difficile de définir et d’identifier clairement celles-ci. Les indicateurs objectifs habituellement utilisés pour mesurer les tensions financières peuvent mal identifier les crises. En effet, ils peuvent réagir à d’autres facteurs que les tensions financières, par exemple les changements dans la politique monétaire, ou bien ne pas saisir certaines manifestations des crises financières, notamment le rationnement du crédit. C’est ainsi que Christina Romer et David Romer (2017) ont proposé de s’appuyer sur des ressources textuelles, en l’occurrence les Perspectives économiques de l’OCDE, et d’y comptabiliser les références aux tensions financières pour construire un indicateur mesurant celles-ci.

Poursuivant leurs travaux, Hites Ahir, Giovanni Dell’Ariccia, Davide Furceri, Chris Papageorgiou et Hanbo Qi (2023) ont utilisé l’analyse de texte pour construire un indice de tensions financières pour 110 pays au cours de la période allant de 1967 à 2018. En utilisant la méthode des projections locales d'Oscar Jordà (2005), ils ont utilisé cet indicateur pour évaluer l’impact des tensions financières sur l’activité économique.

Ahir et ses coauteurs confirment les études antérieures en constatant que les tensions financières nuisent à l’activité économique et que ces répercussions sont durables. En l’occurrence, une hausse équivalente à un écart-type de leur indice de tensions financières est associée à une baisse de la production de 0,35 % un an après et de 0,2% cinq ans après (cf. graphique 2).

La relation entre tensions financières et activité économique dépend du niveau de développement du pays. En effet, les crises financières se révèlent plus nocives à l’activité économique dans les pays émergents et en développement que dans les pays développés (cf. graphique 3). Cela ne s’explique pas seulement par le fait que les pays les moins développés sont exposés à des chocs de plus grande amplitude. En effet, même pour un niveau donné de tensions financières les répercussions récessives de ces dernières tendent à être plus élevées dans les pays émergents et en développement que dans les pays développés, peut-être parce que ces derniers bénéficient d’une plus grande marge de manœuvre dans la conduite de leurs politiques budgétaire et monétaire et d’un cadre institutionnel plus solide.

Ahir et ses coauteurs se sont ensuite demandés si la sévérité des tensions financières affectait leur relation avec l’activité économique. Ils constatent que cette relation est non linéaire : les tensions financières ont un impact limité et statistiquement non significatif sur l’activité lorsqu’elles sont de faible intensité, mais leur impact est important lorsqu'elles atteignent des niveaux intermédiaires ou élevés. Cette non-linéarité est encore plus marquée pour les pays émergents que pour les pays développés, ce qui contribue à expliquer le constat précédent.

Enfin, Ahir et ses coauteurs se penchent sur les canaux via lesquels les tensions financières affectent l’activité économique. Une intensification des tensions financières se traduit par une baisse persistante de l’investissement des entreprises ; cette baisse est plus marquée pour les entreprises les moins rentables et pour les entreprises les plus contraintes financièrement, notamment celles ayant des ratios dette sur actif élevés, qui sont de petite taille ou qui sont jeunes.

 

Références

AHIR, Hites, Giovanni DELL’ARICCIA, Davide FURCERI, Chris PAPAGEORGIOU & Hanbo QI (2023), « Financial stress and economic activity: Evidence from a new worldwide index », FMI, working paper, n° 23/217. 

JORDÀ, Òscar (2005), « Estimation and inference of impulse responses by local projections », in American Economic Review, vol. 95, n° 1. 

ROMER, Christina, & David ROMER (2017), « New evidence on the aftermath of financial crises in advanced countries », in American Economic Review, vol. 107, n° 10.