jeudi 3 octobre 2024

Quel est l’impact de l’incertitude à propos de l’inflation sur les ménages ?

La hausse de l’inflation suite à la pandémie a nourri l’intérêt des économistes pour les effets de l’inflation, notamment sur les ménages. Si plusieurs travaux ont cherché à mieux voir comment les ménages réagissent à une hausse du taux d’inflation, leur réaction face à une hausse de l’incertitude autant au niveau futur de l’inflation est restée dans l’angle mort.

Dans une nouvelle étude, Dimitris Georgarakos, Yuriy Gorodnichenko, Olivier Coibion et Geoff Kenny (2024) se sont appuyés sur une enquête réalisée par la BCE auprès des ménages européens pour déterminer comment l’incertitude entourant l’inflation influence leur comportement. En l’occurrence, ils ont utilisé cette enquête pour générer des traitements d’information randomisés : ces traitements ont pu concerner des informations à propos de la variation du niveau d’inflation et des informations par rapport à la variation du degré d’incertitude par rapport au niveau de l’inflation.

Georgarakos et ses coauteurs font plusieurs observations. Premièrement, une hausse de l’incertitude à propos de l’inflation conduit les ménages à réduire leurs achats de biens durables pendant plusieurs mois. L’effet est significatif : un doublement de l’incertitude à propos de l’inflation entraîne une baisse de 23 % de la probabilité d’acheter un bien durable au cours des deux mois suivants. En revanche, une hausse du niveau d’inflation anticipée a au contraire tendance à pousser les ménages à augmenter leurs achats de biens durables, certainement pour éviter à avoir à les acheter à un prix plus élevé. Autrement dit, au niveau de l’économie, une inflation plus incertaine pourrait tendre à déprimer la demande globale, tandis qu’une inflation plus forte aurait tendance à alimenter la demande globale, donc à s’aggraver par ce biais.

Deuxièmement, Georgarakos et ses coauteurs notent qu’une hausse de l’incertitude à propos de l’inflation incite les ménages à modifier leurs portefeuilles en se détournant des actifs risqués (notamment les actions) pour se reporter sur les actifs sûrs (notamment les placements sur les comptes bancaires). 

Troisièmement, une plus forte incertitude à propos de l’inflation encourage les ménages à travailler davantage : les chômeurs ont plus de chance de rechercher un emploi, tandis que les personnes déjà en emploi cherchent à travailler plus longtemps, notamment celles en temps partiel, davantage susceptibles d’avoir un temps plein. Si au niveau de l’économie la hausse de l’incertitude entourant l’inflation conduit effectivement à une hausse de l’offre de travail, on peut penser que ce mécanisme tend à freiner les pressions inflationnistes en stimulant l’offre globale. 

En définitive, Georgarakos et ses coauteurs concluent que la hausse de l’incertitude à propos du niveau de l’inflation et la hausse du niveau de l’inflation n’ont pas les mêmes effets sur le comportement des ménages. 


Référence

GEORGARAKOS, Dimitris, Yuriy GORODNICHENKO, Olivier COIBION & Geoff KENNY (2024), « The causal effects of inflation uncertainty on households' beliefs and actions », IZA, discussion paper, n° 17317.