Les préoccupations environnementales ont fortement augmenté ces dernières décennies et une très grande majorité de la population, dans chaque pays, déclare être préoccupée par les problèmes environnementaux. Par exemple, selon un sondage réalisé par le PNUD dans plus de 70 pays, 70 % des répondants sont d’accorder avec l’affirmation selon laquelle le changement climatique affecte leur vie quotidienne et plus de 80 % déclarent désirer que le gouvernement de leur pays entreprenne davantage d’actions pour protéger et restaurer la nature et respecte davantage les engagements pris dans la lutte contre le changement climatique. Pourtant, les partis écologistes continuent d’obtenir une part relativement réduite des suffrages lors des élections. Cela pourrait refléter plus largement l’existence d’un « écart entre les intentions et l’action » (value-action gap) : les populations les plus soucieuses de la protection de l’environnement (typiquement les riches, qui ont l’empreinte écologique et l’empreinte carbone les plus élevées) sont généralement celles qui le comportement le moins respectueux de l’environnement.
Plusieurs travaux se sont plus précisément penchés sur les déterminants du vote vert. Parmi cette littérature, certaines études suggèrent que les partis écologistes sont davantage susceptibles de gagner des voix dans les urnes dans les pays riches, durant les périodes de croissance économique, dans les pays les moins exposés au commerce international et suite à de récentes catastrophes naturelles. Dès les années 1970, beaucoup (notamment l’économiste Galbraith, le sociologue Touraine et le politiste Inglehart) ont suggéré que le mouvement écologiste était un phénomène propre aux nouvelles classes moyennes, lié à l’essor de valeurs post-matérialistes. Autrement dit, les diplômés, les femmes, les populations urbaines et les jeunes générations seraient les plus susceptibles de voter pour les partis écologistes.
Dans une nouvelle étude d’IZA, Vladimir Otrachshenko et Olga Popova (2024) ont étudié dans quelle mesure les préférences individuelles en matière d’environnement se traduisent par un vote en faveur des partis écologistes. Pour cela, ils se sont appuyés sur les données de l’enquête World Values Survey réalisée entre 2017 et 2022 auprès de 60.000 personnes dans une soixantaine de pays à travers le monde. La littérature existante a surtout eu tendance à se focaliser sur les populations des pays développés. L’échantillon de données d’Otrachshenko et Popova a l’avantage d’intégrer aussi bien des pays développés que des pays en développement.
En étudiant les réponses collectées, Otrachshenko et Popova concluent que les individus qui préfèrent la protection environnement à la croissance économique sont davantage susceptibles de voter pour les partis écologistes. Ce premier résultat suggère qu’une généralisation de la prise de conscience environnementale tend bien à favoriser les partis écologistes. Cela dit, le renforcement des préoccupations environnementales tend à davantage bénéficier aux partis intégrant la question environnementale parmi d’autres questions dans leur programme plutôt qu’aux partis verts, focalisant essentiellement sur la seule question de la protection environnementale.
En outre, Otrachshenko et Popova observent que l’inclination des préférences pro-environnementales à se traduire par un vote vert est moins prononcée pour les individus vivant dans les zones rurales, les moins diplômés et les plus modestes : ceux-ci préfèrent des politiques visant à soutenir la croissance économique. Les renforcements des réglementations environnementales (qui tendent à se révéler plus coûteux pour les plus vulnérables) essoufflent aussi le soutien en faveur des partis écologistes, tandis que le renforcement des politiques de protection sociale tend à l’inverse à le renforcer.
Ces constats suggèrent que le soutien en faveur des partis écologistes, mais aussi en faveur des politiques environnementales, dépend étroitement du degré de précarité économique, et ce même dans le cas où les individus nourrissent de fortes préoccupations environnementales. Autrement dit, les partis écologistes doivent davantage intégrer les questions économiques dans leurs programmes s’ils désirent accroître leurs scores électoraux.
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