samedi 11 mars 2023

Capital humain et changement climatique

Les personnes se révèlent d’autant plus inquiètes quant au changement climatique qu’elles seraient diplômées. C’est notamment une corrélation positive qu’a pu mettre en évidence une enquête menée par le Pew Research Center au niveau mondial (Fagan et Huang, 2019). Il est probable que l’institution scolaire inculque aux élèves qui la fréquentent des connaissances leur permettant de mieux saisir la mécanique du climat et par conséquent la menace que représente le dérèglement climatique. Si c’est le cas, la scolarisation contribuerait à ce que les individus ajustent davantage leur propre comportement de façon à le rendre moins énergivore, mais elle pourrait aussi stimuler la demande d’une action publique en faveur de l’environnement et faciliter l’adoption de mesures climatiques, par exemple en amenant les individus à voter davantage en faveur de candidats ou partis mettant l’accent sur la préservation de l’environnement dans leur programme. 

Mais si la corrélation semble vérifiée, elle n’implique pas pour autant une causalité. Par exemple, il est possible que les personnes qui font le plus d’études soient des personnes qui se projettent davantage sur le long terme et qui ont par conséquent davantage tendance à s’inquiéter des dommages que pourrait occasionner le changement climatique. La corrélation pourrait également sous-tendre une causalité inverse : il n’est pas exclu que certains cherchent à poursuivre leurs études afin de mieux s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique. 

Noam Angrist, Kevin Winseck, Harry Patrinos et Joshua Graff Zivin (2023) ont cherché à déterminer l’impact causal de l’allongement des études sur les attitudes relatives à la préservation du climat en étudiant les données relatives à 16 pays européens. Ils concluent qu’une année supplémentaire d’études entraîne en moyenne une hausse de 4,0 points de pourcentage des croyances pro-climat, une hausse de 5,8 points de pourcentage des comportements pro-climat et une hausse de 3,6 points de pourcentage des suffrages en faveur des partis écologistes. L’allongement de la scolarité aurait en l’occurrence permis d’augmenter de 35 % les suffrages en faveur des partis écologistes. 

L’accumulation du capital humain ne contribue pas en soi à rendre la croissance économique plus soutenable ; contrairement à ce que peuvent postuler certains tenants de la thèse de la soutenabilité faible, le capital humain n’est pas un substitut au capital naturel. La scolarisation pourrait toutefois bien constituer un levier pour accélérer la transition vers une économie décarbonée.


Références

ANGRIST, Noam, Kevin WINSECK, Harry PATRINOS & Joshua GRAFF ZIVIN (2023), « Human capital and climate change », Banque mondiale, policy research working paper, n° 10316. 

FAGAN, Moira, & Christine HUANG (2019), « A look at how people around the world view climate change », Pew Research Center.