mercredi 5 avril 2023

Comment le contenu en qualifications de la mondialisation affecte le populisme

Les élections nationales qui se sont tenues à travers le monde ces dernières années ont été marquée par un essor des partis populistes et nationalistes, en particulier en Europe. Beaucoup ont relié cette évolution à la mondialisation, en l’occurrence celle des échanges commerciaux et des flux migratoires (Rodrik, 2021). Dans une nouvelle étude, Frédéric Docquier, Lucas Guichard, Stefano Iandolo, Hillel Rapoport, Riccardo Turati et Gonzague Vannoorenberghe (2022) se sont demandé dans quelle mesure la mondialisation a influencé l’évolution à long terme du populisme en prenant en compte le contenu en qualifications des flux commerciaux et des flux migratoires.

Pour ce faire, ils ont étudié un panel de 628 élections nationales, tenues dans 55 pays sur une période d’une soixantaine d’années. Ils ont qualifié de populistes les partis et les dirigeants tenant des discours s’en prenant à l’etablishment et s’engageant à adopter des mesures de protection. Ils ont alors mesuré l’ampleur du populisme à travers deux indicateurs, d’une part, la part des suffrages recueillis par les partis populistes (cf. graphique) et, d’autre part, une moyenne des scores du populisme de tous les partis.

Docquier et ses coauteurs montrent que les niveaux de populisme ont fortement fluctué à travers le monde depuis les années 1960. Ils ont atteint des pics après chaque crise économique majeure. En l’occurrence, ils ont atteint leur plus haut niveau après la Grande Récession de 2007-2009, en particulier en Europe avec le populisme de droite. 

Ensuite, ils sont cherché à déterminer si l’effet des chocs d’importations et d’immigration sur le populisme est affecté par leur contenu en qualifications. Ils constatent que les importations de biens intensifs en travail très qualifié et l’immigration de personnes très qualifiées tendent à réduire l’ampleur du populisme. Par contre, ce n’est pas le cas des chocs de mondialisation susceptibles de nuire à la situation des électeurs peu qualifiés et de creuser les inégalités de revenu. En effet, les importations de biens intensifs en travail peu qualifié tendent à accroître le populisme et notamment le populisme de droite, en particulier lors des périodes de désindustrialisation et d’expansion d’internet. L’immigration de personnes peu qualifiées tend à entraîner un transfert de votes des partis populistes de gauche vers les partis populistes de droite, sans que n’en soit affecté le « volume » de populisme.  La réaction du populisme de droite ne semble pas dépendre de la distance culturelle moyenne entre les autochtones et les immigrés peu qualifiés. 

 

Références

DOCQUIER, Frédéric, Lucas GUICHARD, Stefano IANDOLO, Hillel RAPOPORT, Riccardo TURATI, Gonzague VANNOORENBERGHE (2022), « Populism and the skill-content of globalization: Evidence from the last 60 years », CEPII, working paper, n° 2023-10.

RODRIK, Dani (2021), « Why does globalization fuel populism? Economics, culture, and the rise of right-wing populism », Annual Review of Economics.