mardi 25 avril 2023

Quels facteurs déterminent les choix de localisation des demandeurs d’asile au sein de l’UE ?

L’Europe a connu un afflux de demandeurs d’asile au cours de la dernière quinzaine d’années. Le nombre de demandes d’asile dans l’UE a augmenté à partir de 2007 et il a atteint un pic en 2015 et en 2016, dans le contexte de la guerre syrienne (cf. graphique). Si la pandémie a initialement freiné les demandes d’asile, celles-ci sont ensuite reparties à la hausse, notamment avec la reprise de l’Afghanistan par les Talibans en 2021, puis avec l’invasion russe de l’Ukraine en 2022.

Valentina Di Iasio et Jackline Wahba (2023) ont cherché à déterminer quels facteurs attractifs (pull factors) ont poussé les demandeurs d’asile à choisir des destinations spécifiques au sein de l’UE. En l’occurrence, elles se sont penchées sur les personnes étrangères à l’UE qui ont demandé pour la première fois l’asile au cours de la période allant de 2008 à 2020. Elles ont inclus dans un modèle de gravité les facteurs attractifs traditionnellement mis en avant par la littérature, de natures économique (le revenu et le chômage), géographique (proximité et distance) et culturelle (langue et liens coloniaux). Elles ont aussi intégré divers indicateurs liés au processus de demande d’asile, comme le temps de traitement des premières demandes d’asile, le taux d’octroi de l’asile et le risque de rapatriement. Elles ont également pris en compte la générosité de l’Etat-providence du pays d’accueil, le degré d’accès des demandeurs d’asile à celui-ci, ainsi que le degré d’accès de ces derniers à l’emploi. Enfin, elles ont  l’importance des réseaux sociaux en utilisant le nombre de demandeurs d’asile de la même origine et le nombre total d’immigrés. 

Di Iasio et Wahba constatent que les réseaux sociaux, mesurés aussi bien par le nombre de demandeurs d’asile de la même origine que par le stock global d’immigrés, constituent le principal déterminant de la localisation des demandeurs d’asile au sein de l’UE. Les facteurs économiques sont certes importants, mais moins que les réseaux sociaux. Surtout, il apparaît que les demandeurs d’asile ne semblent guère attirés par un généreux Etat-providence. En outre, l’accès à l’emploi ne semble pas beaucoup corrélé avec le nombre de demandeurs d’asile. Enfin, Di Iasio et Wahba observent une corrélation entre le taux d’octroi de l’asile et le nombre de demandeurs d’asiles. 

Les deux économistes tirent de leurs observations plusieurs implications en termes de politique migratoire. A l’exception de la Croatie, de la Grèce et de la Suède, presque tous les pays-membres de l’UE interdisent l’accès des demandeurs d’asile à l’emploi pendant à un certain temps. Or, Di Iasio et Wahba observent que la restriction d’accès à l’Etat-providence ou à l’emploi n’a qu’un impact limité sur le nombre de demandes d’asiles, si bien qu’elle ne se justifie guère si elle vise à réfréner les demandes d’asile. Par contre, l’interdiction d’accès à l’emploi est susceptible d’avoir d’importantes répercussions sur l’intégration des demandeurs d’asile, en les rendant dépendants des aides sociales à court terme et en les exposant à l’exploitation, par exemple dans le cadre de l’emploi informel (Fasani et alii, 2021). 


Références

DI IASIO, Valentina, & Jackline WAHBA (2023), « The determinants of refugees’ destinations: Where do refugees locate within the EU? », IZA, discussion paper, n° 16085.

FASANI, Francesco, Tommaso FRATTINI & Luigi MINALE (2021), « Lift the ban? Initial employment restrictions and refugee labour market outcomes », Journal of the European Economic Association, vol. 19, n° 5.