vendredi 21 avril 2023

La propriété des banques à travers le monde

D’après les littératures empirique et théorique, la nature de la propriété des banques, privée ou publique, domestique ou étrangère, est susceptible de jouer sur leurs performances, sur le financement de l’économie et en définitive sur la croissance économique, mais les liens évoqués peuvent être ambigus. D’un côté, les banques étrangères peuvent importer de nouvelles technologies et de nouvelles techniques de management, stimuler la concurrence et être moins sensibles aux chocs domestiques que les banques domestiques ; de l’autre, elles peuvent être moins à même de collecter des informations sur les clients que les banques domestiques, au détriment des petites entreprises, et être davantage exposées aux chocs étrangers, c’est-à-dire contribuer à propager ces derniers dans l’économie domestique. Quant aux banques publiques, elles peuvent contribuer à surmonter les échecs de marché, mais souffrir d’inefficacités et entraîner une mauvaise allocation des ressources. 

Pour étudier les répercussions de la propriété des banques, Ugo Panizza (2023) a construit une base de données couvrant plus de 6.500 banques localisées dans 181 pays, en l’occurrence 59 pays à faible revenu, 72 pays à revenu intermédiaire et 50 pays à haut revenu. Il distingue les banques privées des banques publiques et, parmi les banques privées, les banques domestiques des banques étrangères. 

Panizza constate un recul de la propriété publique et un essor de la propriété étrangère jusqu’en 2010, les banques avaient de moins en moins tendance à être la propriété de l’Etat et qu’elles avaient de plus en plus tendance à être la propriété d’étrangers. Dans les pays à haut revenu, la part des banques publiques est passée de 15 % à 6 % entre 1995 et 2008, tandis que la part des banques à la propriété étrangère est passée de 19 % à 34 % ; dans les pays émergents et en développement, la part des banques publiques est passée de 24 % à 14 % entre 1995 et 2015 et la part des banques étrangères est passée de 24 % à 38 % entre 1995 et 2010. La crise financière a interrompu, voire inversé ces tendances : dans les pays développés, elle a été suivie par une hausse de la part des banques publiques, notamment sous l’effet des nationalisations, et par une stabilisation de la part des banques étrangères ; dans les pays émergents et en développement, la part des banques publiques a légèrement augmenté et la part des banques étrangères a fini par baisser. 

Panizza note ensuite que, dans les pays en développement, la présence de banques étrangères tend à être positivement associée à la croissance du PIB, mais elle n’est pas corrélée avec la profondeur financière ; la présence de banques publiques est quant à elle positivement corrélée avec la croissance, mais négativement corrélée avec la profondeur financière. Ces corrélations ne sont pas toujours statistiquement significatives. 

Relativement à leurs consœurs appartenant au secteur privé, il apparaît que les banques publiques sont moins rentables et qu’elles ont une part plus importante de prêts non performants. Cette corrélation ne signifie pas forcément que la propriété publique nuit aux performances des banques ; l’Etat peut avoir tendance à nationaliser les banques qui sont initialement moins rentables. En ce qui concerne le secteur privé, Panizza note que les banques étrangères ne sont guère statistiquement différentes des banques domestiques.

Les banques publiques localisées dans les pays développés tendent à avoir de plus faibles marges d’intérêts nettes : en effet, elles proposent des taux d’intérêt plus élevés pour leurs déposants, mais n’exigent pas des taux d’intérêt plus élevés à leurs emprunteurs. Quant aux banques publiques et aux banques étrangères localisées dans les pays en développement, il n’apparaît guère de différences dans leurs marges d’intérêts nettes, mais ces banques versent et exigent des taux d’intérêt plus faibles que leurs consœurs du secteur privé. 

Enfin, Panizza constate que les banques publiques stabilisent le crédit en présence de chocs domestiques, tandis que les banques étrangères amplifient les chocs externes.


Référence

PANIZZA, Ugo (2023), « Bank ownership around the world », Graduate Institute of International and Development Studies, international economics department working paper, n° 07-2023.