Le fait qu’un individu ait vécu dans la pauvreté au cours de sa jeunesse augmente les chances qu’il vive également dans la pauvreté une fois adulte. La pauvreté persiste toutefois davantage dans certains pays plutôt que d’autres. L’une des questions qui se posent est de savoir pourquoi.
Zachary Parolin, Rafael Pintro Schmitt, Gøsta Esping-Andersen et Peter Fallesen (2023) ont étudié la vigueur de la persistance intergénérationnelle de la pauvreté dans cinq pays à haut revenu, à savoir l’Allemagne, l’Australie, le Danemark, les Etats-Unis et au Royaume-Uni. Pour cela, ils ont utilisé des données tirées d’enquêtes réalisées auprès des ménages et des données administratives. Leur cadre leur permet de décomposer la persistance de la pauvreté entre effets de contexte familiale (par exemple, le niveau d’éducation ou l’emploi des parents), effets de médiation (joués par exemple par l’éducation, l’emploi et la structure familiale à l’âge adulte), effets du système socio-fiscal et pénalité résiduelle.
Parolin et ses coauteurs constatent que les enfants pauvres sont bien plus susceptibles de le rester une fois adultes aux Etats-Unis que dans les autres pays développés. Aux Etats-Unis, le taux de pauvreté moyen des adultes qui vécurent dans la pauvreté au cours de leur jeunesse est 43 points plus élevé que celui des adultes qui n’ont pas vécu dans la pauvreté lors de leur jeunesse ; cet écart ne s’élève qu’à 21 points de pourcentage en Australie, à 16 points de pourcentage au Royaume-Uni, 15 points de pourcentage en Allemagne et 8 points de pourcentage au Danemark.
La littérature a tendance à expliquer la persistance intergénérationnelle de la pauvreté aux Etats-Unis par les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur ou par les rendements de ce dernier. Selon Parolin et ses coauteurs, la plus grande persistance de la pauvreté aux Etats-Unis relativement aux autres pays développés s’expliquerait par la faiblesse de son système socio-fiscal : alors que les impôts et transferts réduisent la persistance intergénérationnelle de 10 et 16 points de pourcentage au Danemark et aux Royaume-Uni respectivement, ils ne la réduisent que de 2 points de pourcentage aux Etats-Unis. Si ces derniers adoptaient un système socio-fiscal similaire aux autres pays à haut revenu, la persistance intergénérationnelle y baisserait d’un tiers selon les estimations de Parolin et alii.
Référence