dimanche 25 juin 2023

Quel a été le rôle des profits et des salaires dans la récente hausse de l’inflation en zone euro ?

Dans la zone euro, comme dans bien d’autres pays, le taux d’inflation a fortement augmenté dans le sillage de la pandémie et il n’est toujours pas revenu à la cible des banques centrales, les 2 %. Si certains commentateurs ou responsables se focalisent sur les salaires et font part de leur crainte d’une boucle prix-salaires, d’autres pointent plutôt du doigt le rôle des profits dans l'actuel épisode d'inflation.

Dans un nouveau document de travail du FMI, Niels-Jakob Hansen, Frederik Toscani et Jing Zhou (2023) ont cherché à déterminer les composantes du récent emballement de l’inflation dans la zone euro en décomposant le déflateur de consommation de celle-ci (cf. graphique 1). Ils estiment que les prix à l’importation et les profits domestiques expliqueraient respectivement 40 % et 45 % de la hausse du déflateur de consommation entre le premier trimestre 2022 et le premier trimestre 2023. Le coût du travail n’expliquerait, quant à lui, que 25 % de cette hausse. Si les prix à l'importation ont moins contribué à l'inflation ces derniers trimestres, les salaires ont de plus en plus contribué à celle-ci, sans pour autant y contribuer autant que les profits.

C'est l'une des grandes différences entre l'épisode d'inflation actuel et celui des années 1970 : alors que l'actuel choc énergétique a entraîné une hausse du déflateur du PIB similaire, en termes de similitude, au premier choc pétrolier des années 1970, les salaires avaient fortement contribué à la hausse de l'inflation et les profits s'étaient écroulés à l'époque. 

Au cours de l'épisode actuel, les entreprises ont davantage relevé leurs prix que leurs coûts nominaux n’ont augmenté. Dans la mesure où la part du profit dans la valeur ajoutée brute a augmenté (cf. graphique 2), cela signifie que les entreprises ont été moins pénalisées par le choc des termes de l’échange que les salariés. Pour autant, Hansen et ses coauteurs estiment qu’il n’y a pas de hausse généralisée des marges : la profitabilité est restée relativement constante.

En supposant que la croissance des salaires soit légèrement inférieure à ce qu’elle a été au premier trimestre 2023, Hansen et ses coauteurs estiment que le taux d'inflation ne pourra revenir à sa cible d'ici deux ans si la part des profits ne revient pas à son niveau moyen de la période 2015-2019.


Référence

HANSEN, Niels-Jakob, Frederik TOSCANI & Jing ZHOU (2023), « Euro area inflation after the pandemic and energy shock: Import prices, profits and wages », FMI, working paper, n° 23/131.