Les crises financières résultent de l’accumulation de risque. La question qui se pose est de savoir si, au terme d’une crise financière, le risque a été retiré du système financier ou s’il a été tout simplement redistribué en son sein.
Pour certains, notamment les « liquidationnistes », une crise financière expurge le système financier du risque en poussant les institutions les plus risquées à faire faillite ; elle peut même accroître l’efficacité du système financier en réallouant les ressources des institutions inefficaces (celles qui n’ont pas su gérer le risque) vers les institutions les plus efficaces (celles qui ont bien su gérer le risque). Mais il est aussi possible que, via les phénomènes de panique bancaire notamment, la crise financière affecte également les institutions saines. En fait, le risque peut être simplement redistribué lorsque les banques en difficulté sont acquises par des banques en meilleure posture ou lorsqu’elles fusionnent avec celles-ci, sans pour autant que le niveau de risque global ne diminue. Les autorités peuvent être tentées de favoriser ces opérations de consolidation de crainte que le système financier et l’économie réelle ne s’effondrent.
Kris Mitchener et Angela Vossmeyer (2023) ont étudié comment les crises financières redistribuent le risque. En l’occurrence, ils se sont penchés sur la plus grande crise financière que les Etats-Unis ont connue au vingtième siècle, à savoir celle de la Grande Dépression. Cet épisode est notamment intéressant dans la mesure où à cette époque (contrairement à aujourd’hui) le gouvernement ne cherchait pas à intervenir en poussant les banques à fusionner ou s’absorber. En utilisant des indicateurs relatifs au risque de bilan et au risque systémique relatives à plus de 24.000 banques, Kitchener et Vossmeyer ont construit un modèle économétrique leur permettant de dégager les relations entre la propension des banques à survivre, la forme des fermetures de banques et le risque bancaire.
9.000 banques américains ont fermé lors de la Grande Récession et, pourtant, non seulement le risque n’a pas quitté le système financier, mais il a en fait augmenté. En effet, un an après la fin de la crise bancaire, le risque de bilan et le risque systématique ont été en moyenne plus élevés parmi les banques qui ont survécu. La redistribution du risque est passée par les opérations de consolidation : les banques fortement risquées qui se retrouvaient en faillite ont souvent été acquises par des banques plus larges et plus connectées, si bien que le risque a été redistribué vers les banques les plus saines. L’acquisition d’une banque a eu tendance à augmenter de 25 % le risque de bilan de la banque acquisitrice.
En définitive, Mitchener et Vossmeyer concluent que les crises financières ne purgent pas le système financier du risque, du moins pas rapidement : elles ne présentent pas d’effets d'assainissement.
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