mercredi 13 décembre 2023

Quels ont été les coûts de l’inflation post-pandémique pour les ménages ?

Après trois décennies de faible inflation, le taux d’inflation a augmenté suite à la pandémie de Covid-19. Dans la zone euro, l’inflation globale a atteint un pic de 10,6 % en octobre 2022. Cette hausse des prix s’explique tout particulièrement par la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires.

En s’appuyant sur des données microéconomiques et agrégées, Filippo Pallotti, Gonzalo Paz-Pardo, Jiri Slacalek, Oreste Tristani et Giovanni Violante (2023) ont cherché à quantifier les effets de la récente hausse de l’inflation sur les ménages de la zone euro et à déterminer si ces effets se sont répartis uniformément parmi la population. 

D’après leur analyse, les coûts en bien-être de l’épisode d’inflation ont été importants au niveau agrégé : ils sont équivalents à 3 % du revenu disponible des ménages en France et en Espagne, à 4 % en Allemagne et à 8 % en Italie, soient des coûts supérieurs à ceux occasionnés lors d’une récession typique. En termes de canaux de transmission, Pallotti et ses coauteurs estiment que les coûts de l’inflation ont particulièrement tenues à l’érosion des revenus du travail due à la viscosité des salaires, ainsi qu’aux changements dans la valeur réelle des actifs et dettes nominaux. La politique budgétaire non conventionnelle a aussi joué un rôle significatif, en contribuant à protéger les ménages du choc inflationniste (Cao et al., 2023). En définitive, tous les ménages n’ont pas été perdants : environ 30 % des ménages ont tiré un gain net en bien-être de l’épisode d’inflation. 

Pallotti et ses coauteurs estiment que les effets de l’inflation ont été particulièrement différenciés en fonction l’âge des ménages. En effet, l’inflation a été supportée de façon disproportionnée par les retraités : ils ont perdu jusqu’à 20 % de leur bien-être, alors que la moitié des 25-44 ans ont tiré un gain en bien-être. Cela s’explique tout particulièrement par la structure des portefeuilles financiers. En outre, les personnes âgées, en particulier celles à bas revenu ou revenu intermédiaire, consacrent une plus grande part de leurs pensions de retraite au chauffage et à la nourriture, c’est-à-dire aux produits pour lesquels les prix ont fortement augmenté. C’est d’ailleurs pour cette même raison que l’effet compensateur de la politique budgétaire non conventionnelle a été particulièrement fort pour les retraités modestes.

Du point de vue du revenu, si l’on fait abstraction des loyers, ce sont les ménages les plus pauvres qui ont subi de plus larges pertes en bien-être en raison de l’importance relative de l’alimentation et de l’énergie dans leurs dépenses. Cela dit, les loyers, qui constituent l’essentiel des dépenses totales des plus modestes, sont assez visqueux à court terme, si bien qu’ils ont permis d’atténuer les effets sur ces derniers. En conséquence, les pertes en bien-être ont finalement été assez uniformes d’un quintile à l’autre de la distribution de la consommation.


Références

DAO, Mai Chi, Allan DIZIOLI, Chris JACKSON, Pierre-Olivier GOURINCHAS & Daniel LEIGH (2023), « Unconventional fiscal policy in times of high inflation », FMI, working paper, n° 2023/178.

PALLOTTI, Filippo, Gonzalo PAZ-PARDO, Jiri SLACALEK, Oreste TRISTANI & Giovanni L. VIOLANTE (2023), « Who bears the costs of inflation? Euro area households and the 2021–2022 shock », BCE, working paper, n° 2877.