L’inflation a fortement augmenté dans les pays développés dans le sillage de la pandémie. Elle dépasse dans une large mesure la cible des 2 % que les banques centrales suivent. Comme dans d’autres pays, certaines craignent aux Etats-Unis que la hausse des salaires, à travers laquelle les salariés cherchent à compenser leurs pertes de pouvoir d’achat, rende l’inflation plus persistante.
En s’appuyant sur les données relatives à la période allant de 1988 à 2023, Adam Hale Shapiro (2023) observe dans le cas des Etats-Unis la croissance des coûts salariaux et l’inflation sous-jacente des prix à la consommation tendent effectivement à être corrélées au cours du temps. Les deux variables avaient chuté lors de la Grande Récession, elles étaient restées durablement faibles, puis ont fortement augmenté à partir de 2021. Au premier trimestre 2023, l’indice du coût de l’emploi a augmenté de 4,9 % sur l’année et l’inflation sous-jacente s’est élevée à 4,7 %.
Shapiro a ensuite examiné la façon et l’ampleur par laquelle les coûts du travail influencent l’inflation américaine. Il constate que les hausses du coût du travail agissent avant tout comme un choc d’offre négatif : elles augmentent les coûts de production et les entreprises réagissent en répercutant la hausse de leurs coûts sur les prix de vente proposés aux consommateurs. La croissance du coût du travail ne semble pas alimenter l’inflation via la demande. Autrement dit, si les entreprises tendent à relever leurs prix quand les salaires augmentent, c’est, non pas parce que la demande augmente en conséquence, mais parce que leurs coûts de production s’alourdissent.
En creusant davantage, Shapiro conclut que la croissance de coût du travail a un faible effet sur l’inflation. Selon les estimations, la récente hausse de l’indice du coût de l’emploi expliquerait seulement 0,1 point de pourcentage des chiffres actuels de l’inflation, une part négligeable de la hausse de 3 points de pourcentage de l’inflation sous-jacente.
Ces résultats amènent Shapiro à douter de l’idée selon laquelle la croissance du coût du travail serait un facteur derrière l’inflation. Par conséquent, il estime qu’il faut chercher ailleurs les explications de la forte corrélation observée entre croissance du coût du travail et l’inflation. Des travaux comme celui de Reuven Glick et alii (2022) suggèrent que la croissance des salaires tend à suivre l’inflation. Tout cela amène Shapiro à conclure que l'accélération de la croissance du coût du travail observée récemment n’amène guère à prédire une forte inflation à l’avenir.
Références