Dans les premiers temps de la pandémie de Covid-19, en particulier lors des premiers confinements, les gouvernements ont adopté des mesures de soutien budgétaire, notamment à destination des entreprises. C’est le cas en France, où le gouvernement a adopté trois grandes mesures en 2020 : il a pris en charge une partie des salaires en étendant le dispositif d’activité partielle (AP), proposé le Prêt Garanti par l’Etat (PGE) et versé des subventions pour compenser la perte d’activité via le Fonds de solidarité des entreprises (FSE), qui ciblait explicitement les plus petites entreprises.
Il s’agissait d’une certaine façon de mettre l’économie sous « coma artificiel » de façon à freiner la propagation de l’épidémie et éviter que le système de soin ne soit totalement saturé, puis à permettre à l’économie de rebondir à mesure que les mesures sanitaires les plus contraignantes étaient retirées. En empêchant de simples problèmes de liquidité se solder en défaillances, le gouvernement a permis d’éviter à ce que les entreprises fassent faillite à la chaîne.
Cela dit, en allouant ses aides publiques, l’Etat n’est pas forcément en mesure de correctement évaluer les besoins en liquidité des entreprises, en particulier quand il doit distribuer ses aides dans l’urgence. Il peut aussi bien ne pas assez compenser certaines entreprises, notamment des entreprises très efficaces ou potentiellement très efficaces, qu’en surcompenser, notamment des entreprises inefficaces, auquel cas la mise en hibernation du tissu productif peut se faire au prix de sa zombification (Guerini et alii, 2022).
Dans une nouvelle étude de l’OFCE, Sarah Guillou, Karsten Mau, Tania Treibich (2023) ont évalué l’impact des aides publiques allouées aux entreprises françaises pour absorber le choc de la crise pandémique sur leur liquidité. Ils ont utilisé les données comptables des entreprises françaises pour l’année 2019 et les données officielles relatives aux trois mesures évoquées ci-dessus. A partir de ces données, ils ont procédé à une microsimulation de la variation de liquidité par entreprise à la suite du choc d’activité de l’année 2020 et du niveau des aides obtenues par entreprise selon leurs caractéristiques.
Il apparaît qu’au niveau agrégé le montant de ressources allouées aux entreprises correspond peu ou prou au montant de leurs besoins. En effet, Guillou et alii estiment que la crise sanitaire a provoqué une perte de liquidité s’élevait à 132,6 milliards d’euros en 2020, tandis que le montant d’aides publiques mobilisées pour compenser cette perte s’était élevé à 138 milliards d’euros.
Ces chiffres dissimulent toutefois de fortes disparités dans l’allocation des aides publiques selon les caractéristiques des entreprises, mais aussi au sein des différents groupes. En effet, Guillou et ses coauteurs estiment que 24,5 % des entreprises ont été surcompensées par les aides de type subvention (en l’occurrence la prime d’activité et le FSE) et qu’un montant de 7,4 milliards d’euros aurait pu ainsi être épargné. Quand ils prennent en compte l’effet des prêts garantis, ils réévaluent la part des entreprises surcompensées à quasiment 39 %. En l’occurrence, les entreprises surcompensées se situent essentiellement dans les secteurs du commerce, de l’industrie manufacturière, de la culture et des loisirs.
Cela dit, un certain nombre d’entreprises n’ont pas vu leurs pertes de liquidité être totalement compensées. C’est notamment le cas de celles devenues illiquides en 2020 et des entreprises dans les secteurs de l’hôtellerie et de la construction. C’est également le cas des très grandes entreprises et des entreprises hautement productives.
Références