Au début de la pandémie de Covid-19, des confinements ont été instaurés à travers le monde pour contenir la propagation de l’épidémie et ainsi éviter une surcharge du système hospitalier. Afin d’amortir l’impact de la pandémie et des mesures sanitaires sur l’économie, les gouvernements ont adopté des mesures de soutien budgétaire. Celles-ci ont par exemple pris la forme de dispositifs de chômage partiel pour éviter une vague de faillites d’entreprises tout en maintenant le lien des travailleurs à leur emploi et ainsi empêcher également une hausse du chômage. Dans le cas français, le gouvernement a étendu le Dispositif d’Activité Partielle, en vigueur depuis 2008, en prenant en charge 70 % des salaires bruts des travailleurs se retrouvant au chômage partiel. En outre, le gouvernement français a lancé le Prêt Garanti par l’Etat (PGE) : en transférant le risque de crédit des banques vers l’Etat, ce dispositif visait à faciliter l’accès des entreprises illiquides, mais toujours viables, à des ressources financières supplémentaires.
Le nombre de liquidations d’entreprise n’a pas explosé dans le sillage de la pandémie. Il a chuté : en France, il a diminué de moitié en 2020 et est resté historiquement faible ensuite (cf. graphique) (INSEE, 2022).
Parce qu'elles ont souvent été accordées sans condition aux entreprises, indépendamment de leur niveau d’efficacité ou de leur risque d’insolvabilité, les mesures de soutien économique adoptées par les gouvernements ont été accusées d’avoir accru les rangs des entreprises « zombies » : en l’occurrence, des entreprises inefficaces, qui auraient fait faillite en l’absence des dispositifs de soutien, ont pu se maintenir « artificiellement » en activité grâce à celles-ci (Laeven et alii, 2020 ; Helmersson et alii, 2021). Or, en restant en activité, ces firmes peuvent empêcher les entreprises les plus efficaces ou les plus susceptibles d’innover de se développer, par exemple en limitant les ventes de ces dernières ou en gardant des ressources (de la main-d’œuvre, du capital, etc.) que celles-ci auraient pu utiliser plus efficacement. C’est en définitive le processus de destruction créatrice qui risque de s’en trouver bridé. Autrement dit, en cherchant à éviter une détérioration de l’activité à court terme, l’action des gouvernements a pu réduire le potentiel de croissance à long terme de l’économie.
Mattia Guerini, Lionel Nesta, Xavier Ragot et Stefano Schiavo (2022) ont cherché à évaluer le risque de zombification des entreprises françaises associé au déploiement des dispositifs de chômage partiel. Pour cela, ils ont combiné micro-simulations et analyses de régression à partir d’un échantillon de 750.000 entreprises françaises. Ils confirment que les mesures gouvernementales ont réussi à réduire significativement le nombre d’entreprises faisant face à des difficultés financières aux premiers temps de la pandémie. En l’occurrence, le soutien public a bénéficié avant tout aux entreprises financièrement saines, mais il n’a pas permis aux entreprises connaissant initialement des difficultés financières de surmonter ces dernières. Guerini et ses coauteurs ne décèlent pas d’effet de zombification, dans la mesure où les dispositifs de soutien n’ont pas bénéficié de façon disproportionnée aux entreprises les moins productives.
Références