En réponse à la puissante contraction de l’activité économique provoquée par la pandémie de Covid-19, les gouvernements ont fortement assoupli leur politique budgétaire. L’adoption d’une politique budgétaire contracyclique est effectivement préconisée dans le cas des récessions typiques, dans la mesure où les multiplicateurs budgétaires y apparaissent élevés : d’une part, il y a des capacités de production inutilisées, si bien que l’offre est alors susceptible de répondre plus vite à une hausse de la demande ; d’autre part, les récessions sont souvent associées à un resserrement des conditions de crédit, si bien que la consommation devient alors plus sensible au revenu et que les propensions marginales à consommer sont alors élevées.
Mais la récession associée à la pandémie est particulièrement singulière. Celle-ci a en partie été provoquée par les mesures sanitaires adoptées par les gouvernements pour freiner la propagation de l’épidémie, or la littérature n’a guère étudié l’impact de telles mesures ou d’une pandémie sur l’efficacité de la relance budgétaire. Cette dernière cherche notamment à inciter les entreprises à faire davantage travailler leur main-d’œuvre et les ménages à consommer davantage, alors que la crainte d’être contaminé et les mesures sanitaires réduisent la disponibilité de la main-d’œuvre et pèsent sur la consommation en poussant les individus à opter pour la distanciation physique.
Aux Etats-Unis, l’ampleur de la récession, la sévérité des mesures sanitaires et les mesures budgétaires n’ont pas été les mêmes d’une région à l’autre. Alan Auerbach, Yuriy Gorodnichenko, Peter McCrory et Daniel Murphy (2021) ont alors étudié la variation régionale des conditions économiques, des mesures de confinement et des dépenses publiques pour déterminer l’efficacité des mesures adoptées aux Etats-Unis. Ils ont constaté que les effets de la relance budgétaire ont été plus forts au pic de l’épidémie, mais seulement dans les villes qui n’ont pas été soumises à des injonctions à rester chez soi trop fortes.
La question qui se pose est de savoir si l’atténuation des effets de la relance budgétaire dans les villes soumises à de fortes injonctions à rester chez soi s’explique par le comportement des consommateurs et/ou par les difficultés des entreprises à mobiliser la main-d’œuvre. Auerbach et ses coauteurs n’observent pas de relation statistique entre les dépenses publiques et la consommation, même dans les zones qui n’ont pas subi de mesures sanitaires strictes. L’absence de réaction de la consommation suggère que les plus larges multiplicateurs budgétaires sur l’emploi qui ont été observés pendant la récession pandémique s’expliquent par la présence de capacités de production utilisées. Dans les villes confinées, les employeurs ont eu des difficultés à embaucher pour répondre aux commandes publiques, ce qui a réduit la capacité de l’économie locale à absorber le choc touchant le marché du travail.
L’analyse d’Auerbach et alii montre plus largement que la nature de la récession joue sur l’efficacité des dépenses publiques à stimuler la demande globale. Contrairement à ce que l’on observe dans les récessions typiques, avant tout tirées par une insuffisance de la demande globale, les mesures sanitaires ont particulièrement affecté l’économie du côté de l’offre, ce qui a limité sa capacité à traduire le surcroît de dépenses publiques par de nouvelles productions.
Références