En 2020, le premier tour des municipales s’est tenu le 14 mars, guère une poignée de jours avant que le gouvernement n’instaure le premier confinement pour contenir la propagation de l’épidémie de Covid-19. Les jours précédant le scrutin, le gouvernement avait évoqué la possibilité de le reporter, mais l’ensemble des partis s’étaient prononcés en faveur de son maintien. L’abstention a atteint un niveau record : au niveau national, 44,75 % des inscrits ont voté, soit un taux de participation 18,8 points de pourcentage inférieur à celui du premier tour des précédentes municipales, celles de 2014.
Elsa Leromain et Gonzague Vannoorenberghe (2021) ont étudié comment la pandémie de Covid-19 a affecté la participation lors du premier tour des municipales. Ils constatent que le taux de participation a baissé de façon disproportionnée dans les villes qui étaient alors présentées dans les médias comme particulièrement touchées par la pandémie. Ce fut en particulier le cas de celles présentant une part importante de personnes âgées de 60 ans ou plus, une classe d’âge que les médias présentaient déjà à l’époque comme particulièrement à risque face à l’épidémie. Les villes qui étaient les plus exposées à la pandémie avaient pourtant vu leur taux de participation évoluer de la même façon que dans le reste du pays lors des précédentes municipales, qu’elles comprennent ou non une part importante de personnes âgées dans leur population. Ces premiers constats vont dans le sens de ceux obtenus par Abdul Noury et alii (2021).
Leromain et Vannoorenberghe notent également que les villes qui ont relativement plus eu tendance à voter en faveur de Marine Le Pen lors des présidentielles de 2017 ont connu une plus forte chute de la participation, en particulier à proximité de clusters. Là aussi, il ne semble pas que ces villes aient connu une évolution de la participation différente de celle observée dans les autres villes lors des précédentes élections. Reste à savoir pourquoi : les électeurs de Rassemblement national pourraient, par exemple, présenter une plus forte aversion au risque que le reste de la population ou bien un moindre attachement au vote, auquel cas ils peuvent avoir tendance à réduire plus amplement leur participation que les autres électeurs en réaction à une hausse donnée de la perception du risque.
Pour déterminer si les évolutions différentiées de la participation qu’ils ont décelées s’expliquent par des considérations politiques ou bien sanitaires, Leromain et Vannoorenberghe ont observé l’évolution de la fréquentation des cinémas au début de mars 2020, puisque celle-ci ne devrait pas réagir en fonction de considérations politiques. Ils constatent que celle-ci a davantage chuté à proximité des clusters, en particulier dans les zones avec une part importante de votes en faveur de l’extrême-droite. Il semble donc que se soient bien des considérations sanitaires aient prévalu.
Ces divers constats amènent Leromain et Vannoorenberghe à conclure que la peur d’être infecté par le coronavirus a été en moyenne plus forte parmi les électeurs d’extrême-droite que parmi les autres électeurs, ce qui les a davantage détournés des urnes lors du premier tour des municipales que le reste de l’électorat.
Références