mercredi 18 août 2021

Pourquoi le bien-être ne réagit-il pas de la même façon à une hausse qu’à une baisse du PIB ?

Une hausse donnée du PIB n’augmente pas autant le bien-être qu’une baisse de la même ampleur du PIB ne le réduit. En effet, Jan-Emmanuel De Neve et alii (2018) ont mis en évidence une asymétrie dans la façon par laquelle les variations du PIB affectent le bien-être. En s’appuyant sur les données subjectives tirées de trois bases de données différentes (le Gallup World Poll mené dans 150 pays, l’eurobaromètre et l’enquête BRFSS réalisée aux Etats-Unis), ils ont constaté que les mesures de la satisfaction de vivre sont au moins deux fois plus sensibles à la décroissance qu’à la croissance. 

Richard Easterlin (2021) a tenté de fournir une explication à ce constat et incidemment par là au paradoxe qu’il a lui-même relevé, en l’occurrence le fait que la croissance ne semble guère s’accompagner d’une hausse du bien-être collectif à long terme [Easterlin, 1974]. Selon lui, les individus ne se basent pas sur les mêmes considérations pour évaluer leur revenu selon que l’économie est en expansion ou en récession. 

En l’occurrence, lors d’une expansion, l’ensemble des revenus a tendance à augmenter, si bien que les évaluations tendent alors à être dominées par la comparaison du statut social : les individus ne tirent alors vraiment un gain de satisfaction de la hausse de leur revenu que s’ils ont le sentiment que leur revenu augmente plus vite que celui des autres. Autrement dit, lorsque le revenu augmente, le revenu de référence fait de même. Par conséquent, dans la mesure où seule une fraction de la population voit son revenu augmenter plus vite que celui des autres et où une part de la population voit alors réciproquement son revenu augmenter moins vite que celui des autres, le niveau de bien-être collectif ne tend finalement guère à augmenter et les individus restent finalement autant frustrés qu’auparavant.

Par contre, lors d’une récession, une part croissante de la population a des difficultés à honorer ses obligations financières, si bien que les individus tendent alors moins à se préoccuper de la situation des autres pour juger de la leur. Lorsque le revenu baisse, le revenu de référence reste le même que précédemment, ce qui accroît d’autant plus la frustration. 

 

Références

DE NEVE, Jan-Emmanuel, George W. WARD, Femke DE KEULENAER, Bert van LANDEGHEM, Georgios KAVETSOS, Michael I. NORTON (2018), « The asymmetric experience of positive and negative economic growth: Global evidence using subjective well-being data », Review of Economic Statistics, vol. 100. 

EASTERLIN, Richard A. (1974), « Does economic growth improve the human lot. Some empirical evidence », in Paul David & Melvin Reder (dir.), Nations and Households in Economic growth: Essays in Honor of Moses Abramovitz.

EASTERLIN, Richard A. (2021), « Why does happiness respond differently to an increase vs. decrease in income? », IZA, discussion paper, n° 14645.