lundi 23 août 2021

Comment s’est comportée la productivité du travail pendant la pandémie ?

Aux Etats-Unis, la productivité du travail a augmenté en moyenne de 1,5 % par an de 1973 à 1995. Ensuite, sa croissance s’est fortement accélérée, notamment avec les gains tirés des technologies d’information et d’information : de 1996 à 2004, elle s’est maintenue au rythme moyen de 3,25 % environ. Elle a ensuite fortement ralenti, et ce avant même qu’éclate la crise financière mondiale, pour revenir au rythme annuel moyen de 1,5 % sur la période allant de 2005 à 2019 et même de moins de 1 % sur la période allant de 2011 à 2019.

Contributions à la croissance de la production par heure travaillée aux Etats-Unis

Comme le documentent John Fernald, Huiyu Li et Mitchell Ochse (2021), la pandémie s’est accompagnée d’une nouvelle accélération de la croissance de la productivité aux Etats-Unis, mais cela ne les surprend guère : la productivité a tendance à augmenter lors des récessions. 

Ils expliquent avant tout cette accélération par des facteurs conjoncturels. Tout d’abord, le nombre de travailleurs a diminué, donc le stock de capital par travailleur a augmenté. Ce premier facteur correspond à l’approfondissement du capital. Ensuite, ce sont avant tout les travailleurs les moins qualifiés qui tendent à se retrouver au chômage lors d’une récession. Enfin, et c’est quelque chose de propre à la pandémie, la production et l’emploi se sont particulièrement contractés dans les secteurs des services intenses en contacts physiques (comme la restauration et l’hôtellerie), or ces secteurs emploient des travailleurs relativement jeunes et moins diplômés. Ces deux derniers facteurs ont conduit à une amélioration de la qualité du travail par effets de composition.

Dans tous les cas, ces divers facteurs à l’origine de la forte hausse de la productivité sont susceptibles de se défaire à mesure que la reprise se poursuit : dans la mesure où leur stock de capital n'a guère varié au cours de la récession, les entreprises vont préférer embaucher plutôt qu'investir ; les travailleurs qu’elles embaucheront seront en moyenne moins qualifiés que ceux déjà embauchés ; les secteurs du tertiaires intensifs en contacts physiques vont rebondir.

Fernald et ses coauteurs ne font guère de pronostic pour l'évolution de la croissance de la productivité à plus long terme. Celle-ci dépendra étroitement des évolutions de la croissance de la productivité globale des facteurs (PGF), mais, si celle-ci a certainement été affectée par la pandémie, l’ampleur et le sens de ces effets ne se sont pas encore manifestés. D’un côté, les contraintes sanitaires tendent à accroître les coûts de productivité et à réduire l’efficacité des travailleurs (Bloom et alii, 2020). D’un autre côté, les entreprises devraient continuer de recourir davantage au télétravail qu'elles ne le faisaient avant la pandémie, notamment parce que beaucoup de travailleurs se sont révélés être plus efficaces en travaillant au domicile plutôt qu’au bureau (Barrero et alii, 2021).


Références

BARRERO, Jose M., Nicolas BLOOM & Steve J. DAVIS (2021), « Why working from home will stick », NBER, working paper, n° 29731. 

BLOOM, Nicolas, Philip BUNN, Paul MIZEN, Pawel SMIETANKA & Greg THWAITES (2020), « The impact of Covid-19 on productivity », NBER, working paper, n° 28233. 

FERNALD, John, & Huiyu LI (2021), « The impact of COVID on potential output », Federal Reserve Bank of San Francisco, working paper, n° 2021-09.

FERNALD, John, Huiyu LI & Mitchell OCHSE (2021), « Labor productivity in a pandemic », Federal Reserve Bank of San Francisco, Economic Letter, n° 2021-22.