Ces quatre dernières décennies, les autorités en charge de la politique monétaire ont cherché à rendre de plus en plus transparentes leurs décisions. Depuis les années 1970, la littérature académique a en effet particulièrement souligné l’importance des anticipations, en premier lieu dans la mécanique de l’inflation. La nécessité de gagner en clarté et de jouer sur les anticipations des agents économiques est apparue encore plus aigue dans le sillage de la crise financière mondiale de 2008, lorsque les taux d’intérêt des principales banques centrales se retrouvèrent à zéro et que celles-ci durent recourir à d’autres façons de stimuler l'activité économique. La question est de savoir si les anticipations des entreprises et des ménages sont effectivement influencées par les annonces des banques centrales.
Dans une nouvelle étude, Fiorella De Fiore, Marco Lombardi et Johannes Schuffels (2021) ont analysé l’impact des annonces de politique monétaire de la Réserve fédérale sur les anticipations des ménages. Pour cela, ils se sont appuyés sur les réponses obtenues à travers les différentes vagues d’enquête Survey of Consumer Expectations menées de 2013 à 2019, une période au cours de laquelle le comité fédéral d’open market a tenu 47 réunions, dans un contexte où les taux directeurs de la Fed étaient nuls ou du moins proches de zéro.
De Fiore et ses coauteurs constatent que les décisions de la Fed affectent les anticipations de taux d’intérêt sur les comptes épargne, en particulier pour les répondants présentant d’importantes compétences financières. Par contre, les annonces de politique monétaire ne semblent avoir d’effets ni sur les anticipations d’inflation, ni sur les anticipations en matière de situation financière personnelle, par exemple sur les anticipations de dépenses ou de revenus. Même lorsqu’une annonce de politique monétaire affecte fortement les anticipations de taux d’intérêt, les répondants ne réagissent guère à celle-ci en modifiant leurs anticipations en matière de situation financière personnelle.
De Fiore et ses coauteurs rejoignent les conclusions obtenues précédemment par d’autres études, notamment celle de Lamla et Vinogradov (2019) qui analysa également la réaction d’un échantillon de la population américaine aux décisions de la Fed. Ces résultats contrastent avec ceux obtenus à travers des expérimentations : ces dernières suggèrent au contraire une forte sensibilité des anticipations des individus aux informations macroéconomiques. Dans la mesure où, dans le cadre de ces expérimentations, les informations macroéconomiques sont explicitement fournies aux sujets, De Fiore et alii suggèrent que, dans le monde réel, les signaux relatifs aux décisions de politique économique sont perçus moins nettement par les ménages et qu’ils leur sont plus difficilement interprétables. Dans tous les cas, leurs résultats amènent à douter que les effets de la politique monétaire passent essentiellement par le canal des anticipations.
Références