Alors que les récessions résultent en général de chocs de demande, la récession associée à l’épidémie de Covid-19 a été le fruit de chocs touchant aussi bien l’offre globale que la demande globale. Lorsqu'éclata la pandémie, toute une littérature a alors rapidement émergé pour préciser les effets des chocs d’offre. Par exemple, Veronica Guerrieri et alii (2020) ont proposé un modèle dans lequel des chocs d’offre touchant un certain nombre de secteurs dans l’économie sont susceptibles de voir leurs effets être aggravés du côté de la demande globale, au point que cette dernière peut en définitive davantage s’écrouler que l’offre. En l’occurrence, dans leur modèle, ces « chocs d’offre keynésiens » apparaissent du fait que les secteurs touchés par le choc initial proposent des biens complémentaires à ceux proposés par d’autres secteurs, si bien que les consommateurs qui ne peuvent plus acheter auprès des premiers secteurs réduisent aussi leur consommation auprès des seconds. Emmanuel Farhi et David Baqaee (2020) ont abouti à des résultats similaires dans le cadre d’un modèle où ce sont les biens de production qui sont complémentaires. Pour Luca Fornaro et Martin Wolf (2020), les chocs d’offre peuvent devenir keynésiens via le canal de l’investissement, donc la mesure où les entreprises qu'ils touchent réagissent en baissant leurs dépenses d'investissement ; par ce biais, un choc même transitoire est d'ailleurs susceptible d'avoir des effets permanents sur l'activité. De leur côté, Ricardo Caballero et Alp Simsek (2020) montrent que des chocs d’offre négatifs peuvent fortement détériorer la demande globale via leurs effets sur les prix d’actifs.
Dans une nouvelle étude, Ambrogio Cesa-Bianchi et Andrea Ferrero (2021) se sont demandé si les données confortaient la théorie de chocs d’offre keynésiens. Ils partent de l’idée que les chocs de demande purs et les chocs d’offre keynésiens devraient se traduire au niveau agrégé par des réponses similaires des prix et des quantités (en l’occurrence, des chocs négatifs devraient pousser les prix et les quantités à la baisse), mais que les réponses des prix et des quantités au niveau sectoriel devraient différer (alors que les chocs de demande purs devraient pousser les prix et les quantités dans le même sens dans tous les secteurs, les chocs d’offre keynésiens devraient pousser les prix et quantités dans des sens opposés dans les secteurs qu’ils touchent directement).
En utilisant les données relatives aux entreprises américaines obtenues au niveau sectoriel et en s’appuyant sur un modèle VAR multisectoriel, Cesa-Bianchi et Ferrero ont estimé l’importance des chocs d’offre keynésiens pour l’économie américaine. Leur analyse suggère que beaucoup des chocs de demande agrégés sont en fait la conséquence de chocs d’offre sectoriels. La transmission de ces derniers tiendrait pour beaucoup à la complémentarité des différents secteurs, que ce soit en amont ou en aval, et à la viscosité des prix. Leur échantillon de données s’arrêtant au quatrième trimestre 2019, Cesa-Bianchi et Ferrero soulignent que leurs résultats ne s’expliquent pas par la récession pandémique de 2020 : avant même celle-ci, les chocs d’offre keynésiens contribuaient significativement aux cycles d’affaires américains.
Références