Les flux migratoires se sont accentués ces dernières années, en particulier à destination de l’Union européenne en 2015-2017. Cette évolution, synchrone à un essor des partis populistes à travers les pays développés, a alimenté les études sur les liens entre immigration et attitudes des natifs à l’égard des immigrés. Ces travaux n’ont pas abouti à un consensus sur la relation entre ces attitudes et la part des immigrés au sein de la population. D’un côté, selon la théorie de la menace, développée notamment par Herbert Blumer (1958) et Hubert Blalock (1967), plus la part des immigrés dans une population est importante, plus les natifs se sentent menacés et nourrissent des attitudes négatives à leur égard. Mais, d’un autre côté, il se pourrait au contraire que les natifs révisent leurs préjugés et développent des attitudes plus positives vis-à-vis des immigrés lorsqu’ils interagissent davantage avec ces derniers, comme le suggère la théorie du contact de Gordon Allport (1954).
Dans une nouvelle étude du CEPII, Anthony Edo, Oscar Barrera et Isabelle Bensidoun (2022) ont cherché à déterminer comment les attitudes des natifs vis-à-vis des immigrés sont affectées par la part des immigrés dans la population. Pour cela, ils ont utilisé les données tirées de l’Eurobaromètre spécial sur l’intégration des immigrés. Ils ont notamment cherché à prendre en compte les immigrés de seconde génération pour expliquer les différences d’attitudes vis-à-vis des immigrés.
Edo et ses coauteurs ont constaté que les pays avec une part relativement élevée d’immigrés dans la population sont les plus susceptibles d’exprimer des craintes quant aux immigrés non européens. Cette relation négative ne s’observe qu’en matière d’insécurité et de finances publiques : plus les immigrés représentent une part importante de la population, plus les autochtones croient qu’ils constituent un fardeau pour le système socio-fiscal et commettent des actes délinquants. Par contre, Edo et ses coauteurs n’observent pas de lien entre la présence d’immigrés et les opinions des natifs quant à l’impact de l’immigration sur la culture et le marché du travail.
En poursuivant leur analyse, ils notent que les autochtones tendent à nourrir des attitudes plus positives à l’égard des immigrés à mesure que les immigrés de seconde génération constituent une part importante de la population. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les immigrés de seconde génération sont plus intégrés que ceux de première génération : en moyenne, ils sont davantage diplômés, ils sont plus souvent en emploi et ils gagnent un salaire plus élevé. Toutefois, cet effet n’apparaît que dans le cas de l’immigration d’origine européenne, non de celle d’origine extra-européenne. En outre, le scepticisme quant à l’impact de l’immigration sur le système socio-fiscale est plus prononcé dans les pays les immigrés d’origine non européenne de seconde génération représentent une part élevée de la population.
Enfin, Edo et ses coauteurs se sont penchés sur l’impact de l’immigration sur les préférences politiques. Ils ne décèlent pas d’impact de la part des immigrés sur l’opinion des personnes déclarant une proximité partisane avec l’extrême-gauche ou l’extrême-gauche. Par contre, dans les pays où les immigrés représentent une part importante de la population, les personnes affiliées à l’extrême-gauche ou à l’extrême-droite sont davantage susceptibles de croire que les immigrés constituent un fardeau pour les finances publiques et sont sujets à la délinquance.
Références
ALLPORT, Gordon W. (1954), The Nature of Prejudice, Addison-Wesley.
BLALOCK, Hubert M. (1967), Toward a theory of minority-group relations, Wiley.