En 2013, le gouvernement Ayrault a multiplié par trois le taux d’imposition des dividendes : celui-ci est passé de 15,5 % à 46 %. L’objectif affiché était d’inciter les entreprises à davantage utiliser leurs profits pour investir. Mais pour l’opposition, cette réforme fiscale risquait d’avoir l’effet inverse, c’est-à-dire de désinciter les entreprises à investir.
Charles Boissel et Adrien Matray (2022) soulignent que les effets de la fiscalité des dividendes sur la production ne sont pas univoques. D’une part, un changement donné du taux d’imposition des dividendes peut se traduire aussi bien par une hausse que par une baisse de l’investissement pour l’entreprise moyenne. D’autre part, une telle réforme fiscale peut changer la distribution de l’investissement entre les entreprises ; dans la mesure où ces dernières sont hétérogènes, elle peut aussi bien améliorer que détériorer l’allocation du capital.
Afin de déterminer quels ont été les effets de la réforme fiscale des dividendes de 2013, Boissel et Matray ont appliqué une méthode quasi-expérimentale à des données administratives couvrant les entreprises françaises sur la période allant de 2008 à 2017. En effet, les firmes françaises n’ont pas le même statut légal : les trois quarts ont été concernées par la réforme fiscale, pas le quart restant.
Des variables comme les dividendes et l’investissement ont bien connu les mêmes évolutions pour le groupe de traitement que pour le groupe témoin avant 2013 ; à partir de 2013, les trajectoires de ces variables divergent. En l’occurrence, les entreprises concernées par la réforme fiscale ont réagi à celle-ci en réduisant légèrement leurs versements de dividendes et en utilisant la hausse des liquidités qu’ils en tirèrent pour embaucher et surtout pour investir davantage. En poursuivant leur analyse, Boissel et Matray concluent que leurs résultats ne s’expliquent pas par d’autres chocs que la réforme fiscale.
La plus forte taxation des dividendes ne semble pas avoir détérioré l’allocation du capital. En effet, la hausse de l’investissement s’est concentrée parmi les entreprises présentant de nouvelles opportunités d’investissement. En outre, le relèvement du taux d’imposition des dividendes a eu bien plus d’effets sur les entreprises présentant ex ante les plus forts rendements du capital que sur celles présentent ex ante les plus faibles rendements du capital.
En définitive, ces résultats amènent Boissel et Matray à rejeter les modèles comme celui de Poterba et Summers (1983) dans lesquels un relèvement de la fiscalité des dividendes augmente le coût du capital. Ils suggèrent que l’accroissement des liquidités associées à la fiscalité relâche les contraintes de crédit, ce qui est susceptible d’atténuer la mauvaise allocation du capital.
Références