mardi 31 mai 2022

Les coûts politiques des chocs pétroliers

Depuis les années 1970, les prix du pétrole ont connu des phases de fortes hausses rapides, des épisodes que l’on a pu qualifier de chocs pétroliers. Ce fut notamment le cas en 1973-1974 et en 1979, dans un contexte de fortes tensions géopolitiques, à la veille de la crise financière mondiale, lorsque l’émergence de la Chine alimentait fortement la demande mondiale de pétrole, lors de la reprise subséquente ou encore ces derniers trimestres, dans le contexte de la reprise post-pandémique et plus récemment du conflit russo-ukrainien.

Dans une nouvelle étude, Rabah Arezki, Simeon Djankov, Ha Nguyen et Ivan Yotzov (2022) ont cherché à déterminer l’effet des chocs pétroliers sur la situation politique des pays importateurs de pétrole. Pour cela, ils ont étudié une base de données relatives 1.000 chefs d’État dans 183 pays pour une période s’étendant sur plus de 35 ans. Ces chocs ont eu tendance à entraîner une baisse significative de la probabilité de réélection des dirigeants en place, une plus grande évocation des prix des carburants dans les médias et un essor des protestations non violentes, en particulier des protestations reliées aux hausses de prix. En étudiant l’évolution des intentions de votes en amont de 198 élections nationales dans 48 pays, Arezki et ses coauteurs concluent que la hausse des prix du pétrole réduit les chances de réélection en réduisant la popularité des partis au pouvoir. 

Ces constats ne s’observent toutefois que dans le cas des pays démocratiques, pas dans les pays autocratiques. Arezki et ses coauteurs n’expliquent pas cette différence de résultats entre pays démocratiques et pays autocratiques par une plus grande capacité, en soi, des gouvernements autocratiques à étouffer les mouvements de protestation. Selon eux, les pays autocratiques se caractérisent par une moindre transmission de la hausse des prix internationaux aux prix domestiques. En effet, les pays autocratiques présentent un plus haut degré de contrôles des prix domestiques et davantage de subventions sur l’achat de pétrole et de gaz. Par conséquent, les fluctuations des prix internationaux du pétrole tendent moins à se traduire par des fluctuations des prix domestiques du pétrole dans les pays autocratiques que dans les pays démocratiques.

Pour autant, cette moindre transmission des prix du pétrole dans le cas des pays autocratiques a pour contrepartie une forte érosion du niveau de réserves étrangères et une hausse du niveau de dette externe, sans affecter le taux de change. Dans les pays démocratiques, les chocs pétroliers entraînent une dépréciation du taux de change, mais n’affectent guère le niveau de réserves de devises et le niveau de la dette externe. 

 
Référence

AREZKI, Rabah Simeon DJANKOV, Ha NGUYEN & Ivan YOTZOV (2022), « The Political Costs of Oil Price Shocks », CESifo, working paper, n° 9763.