Après plusieurs décennies de faibles taux d’inflation et d’anticipations d’inflation ancrées à un faible niveau, les taux d’inflation ont eu tendance à augmenter dans le sillage de la pandémie, en particulier depuis le début de l’année 2021. Ils atteignent ainsi dans les pays développés des niveaux qui n’avaient guère été observés depuis plusieurs décennies, voire depuis la stagflation des années 1970.
La crainte, partagée par des économistes et des banquiers centraux, est que la hausse de l’inflation amène les ménages et les entreprises à réviser leurs anticipations d’inflation à la hausse et que cette révision des anticipations alimente en retour l’inflation : en s’attendant à une plus forte inflation demain, les entreprises pourraient avoir davantage tendance à relever leurs prix, tandis que les ménages pourraient davantage chercher à réclamer des hausses de salaires (ce qui alourdirait les coûts de production des entreprises) ou à avancer leurs dépenses (ce qui alimenterait la demande courante, alors même que celle-ci est peut-être déjà excessive), etc.
Si les anticipations d’inflation ne sont plus ancrées à un faible niveau, la banque centrale doit alors davantage resserrer sa politique monétaire qu’elle ne l’aurait fait sinon pour ramener l’inflation à un niveau donné. Selon la courbe de Phillips des nouveaux keynésiens, l’inflation courante est en effet fonction des anticipations d’inflation future et de l’écart de production, si bien qu’un choc touchant les anticipations d’inflation complique l’arbitrage auquel les autorités monétaires font face : toute chose égale par ailleurs, soit l’inflation doit être plus élevée, soit la production doit être plus faible.
En utilisant les données relatives aux Etats-Unis, Philip Barrett et Jonathan Adams (2022) se sont demandé si la révision à la hausse des anticipations d'inflation était susceptible de pousser l’inflation courante à la hausse. En l’occurrence, ils ont observé les effets d’un choc touchant les anticipations d’inflation : ils définissent celui-ci comme la divergence d'origine exogène du niveau des anticipations d’inflation par rapport au niveau que ces dernières atteindraient si elles étaient rationnelles.
Barrett et Adams constatent qu’un choc positif sur les anticipations d’inflation s’avère déflationniste et tend à dégrader l’activité économique : l’inflation, la production et les taux d’intérêt tendent à décliner. Ce résultat ne colle pas avec les prédictions tirées de la courbe de Phillips des nouveaux keynésiens, puisque selon celle-ci de tels chocs sont inflationnistes et ne peuvent provoquer une récession que si la banque centrale resserre suffisamment sa politique monétaire.
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