lundi 20 juin 2022

Quelques faits stylisés sur la rigidité des prix dans la zone euro

Erwan Gautier et alii (2022) ont utilisé des bases de données nationales relatives aux prix dans 11 pays-membres de la zone euro, à savoir l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg et la Slovaquie. En étudiant ces données, ils en ont tiré plusieurs faits stylisés sur l’ajustement des prix à la consommation dans la zone euro.

Premièrement, ils notent que les changements de prix sont bien moins fréquents en zone euro qu’aux Etats-Unis. En effet, chaque mois, environ 12,3 % des prix changent en zone euro, contre 19,3 % aux Etats-Unis. La différence est bien moins prononcée si l’on exclut les changements de prix dus aux soldes : la proportion de prix qui change chaque mois est alors de 8,5 % en zone euro, contre 10 % aux Etats-Unis.

Deuxièmement, les différences dans la rigidité des prix sont plutôt limitées d’un pays à l’autre, mais bien plus fortes d’un secteur à l’autre. C’est dans le secteur des produits alimentaires non transformés où les changements de prix sont les plus fréquents (31 %) et dans les services où ils sont les moins fréquents (6 %). La structure des coûts importe pour la fréquence des changements de prix : les changements de prix sont d’autant moins fréquents que la part des coûts du travail dans les coûts est importante. 

Troisièmement, lorsqu’un prix change, son changement est assez large. En effet, la hausse des prix médiane est de 9,6 % lorsque l’on inclut les soldes et de 6,7 % lorsqu’on les exclut ; la baisse des prix médiane est de 13 % lorsque l’on inclut les soldes et de 8,7 % lorsqu’on les exclut. Entre les pays, il y a davantage de différences dans l’ampleur des changements de prix plutôt que dans leur fréquence. En termes de secteur, c’est dans les services où l’ampleur des changements de prix est la plus réduite. 

Quatrièmement, Gautier et ses coauteurs notent que la distribution des changements de prix est fortement dispersée : 14 % des changements de prix en valeurs absolues sont inférieurs à 2 % tandis que 10 % sont supérieures à 20 %. 

Cinquièmement, le degré de rigidité des prix dans la zone euro est resté assez stable de 2005 à 2019. Ainsi, la fréquence des changements de prix ne change pas beaucoup avec l’inflation. Néanmoins, entre 2013 et 2019, lorsque l’inflation était très faible, la fréquence des hausses de prix a été moindre que celle observée durant la Grande Récession. 

Sixièmement, les variations des taux d’inflation tiennent davantage aux changements dans l’ampleur des changements de prix plutôt que dans les changements dans leur fréquence.

Enfin, la fréquence des changements de prix ne réagit guère aux chocs agrégés. En effet, les entreprises répondent aux chocs en ajustant la taille globale de leurs changements de prix plutôt qu’en modifiant la fréquence de leurs changements de prix. Gautier et ses coauteurs en concluent que les chocs agrégés se transmettent via de lentes variations dans la part relative des hausses et de baisses des prix. 

Ces diverses constats sont selon eux cohérents avec les prédictions d’un modèle de coût de menu dans un environnement de faible inflation, où les chocs idiosyncratiques jouent un plus grand rôle que les chocs agrégés dans les décisions des entreprises en matière de fixation des prix de vente.


Référence

GAUTIER, Erwan, Cristina CONFLITTI, Riemer P. FABER, Brian FABO, Ludmila FADEJEVA, Valentin JOUVANCEAU, Jan-Oliver MENZ, Teresa MESSNER, Pavlos PETROULAS, Pau ROLDAN-BLANCO, Fabio RUMLER, Sergio SANTORO, Elisabeth WIELAND & Hélène ZIMMER (2022), « New facts on consumer price rigidity in the euro area », BCE, working paper, n° 2669.