mercredi 6 juillet 2022

Les effets de la politique monétaire quand les firmes ont un fort pouvoir de marché sur le marché du travail

Au cours des récentes expansions, les salaires ont augmenté lentement dans les pays développés, notamment aux Etats-Unis, alors même que l’emploi a pu connaître une croissance robuste. Par exemple, lors de l’expansion consécutive à la crise financière mondiale, les salaires ont stagné pendant une longue période avant de commencer à croître, et ce malgré le maintien de politiques monétaires exceptionnellement accommodantes. Cette moindre sensibilité des salaires au cycle pourrait contribuer à expliquer l’aplatissement la courbe de Phillips qui a été observé à partir des années 1980.

Dans un nouveau document de travail du FMI, Anastasia Burya, Rui Mano, Yannick Timmer et Anke Weber (2022) développent l’idée que le pouvoir de marché des entreprises sur le marché du travail joue un rôle important dans la transmission de la politique monétaire et qu’elle contribue en l’occurrence à expliquer comment les salaires peuvent stagner malgré la reprise de l’emploi.

Dans leur optique, en assouplissant sa politique monétaire pour stimuler la demande, une banque centrale augmente la productivité marginale du travail, ce qui pousse l’ensemble des entreprises à chercher à embaucher davantage. Or, les entreprises disposant d’un important pouvoir de marché peuvent répondre à un surcroît de demande en embauchant plus sans pour autant augmenter les salaires. Ainsi, au niveau agrégé, plus les entreprises disposent de pouvoir de marché sur le marché du travail, moins les assouplissements monétaires sont susceptibles d’accélérer la croissance des salaires en stimulant l’emploi. 

Dans le cas des Etats-Unis par exemple, plusieurs travaux ont suggéré que les entreprises disposent d’un important pouvoir de marché leur permettant de fixer des salaires en-deçà du niveau de productivité marginale des travailleurs. Or, toujours dans le cas des Etats-Unis, Burya et ses coauteurs constatent, notamment en observant les offres d’emploi non pourvues, que les périodes où la politique monétaire était accommodante ont été marquées par une plus forte croissance de la demande de travail pour les entreprises présentant un fort pouvoir de marché, et ce sans réponse disproportionnée des salaires. En l’occurrence, ce sont les postes vacants qui n’exigent pas de diplôme universitaire ou de compétences technologiques qui apparaissent comme les plus sensibles à la politique monétaire.

Ces constats font écho à ceux qu’ont récemment faits David Ratner et Jae Sim (2022). Ces deux études suggèrent que l’érosion du pouvoir de marché des travailleurs sur le marché du travail a contribué à aplatir la courbe de Phillips lors des décennies précédant la pandémie.


Références

BURYA, Anastasia, Rui C. MANO, Yannick TIMMER & Anke WEBER (2022), « Monetary policy under labor market power  », FMI, working paper, n° 22/128. 

RATNER, David, & Jae SIM (2022), « Who killed the Phillips curve? A murder mystery », Federal Reserve, finance and economics discussion paper, n° 2022-028.