L’un des grands débats qui agitent depuis de nombreuses décennies la littérature en macroéconomie internationale est de savoir si les taux de change flexibles facilitent l’ajustement des déséquilibres de comptes courants. Pour plusieurs économistes, comme Milton Friedman (1953), c’est effectivement le cas, mais beaucoup ne partagent pas cet avis. Par exemple, Menzie Chinn et Shang-Jin Wei (2013) ne concluent pas au terme de leur analyse que la vitesse d’ajustement du compte courant diffère selon le taux de change.
En s’appuyant sur des données annuelles relatives à 159 pays pour la période allant de 1971 à 2014, Paul Bergin, Kyunghun Kim et Ju Pyun (2022) ont cherché à estimer la vitesse d’ajustement du compte courant des pays selon leur régime de change et le signe, positif ou négatif, de leur solde courant. Leurs résultats suggèrent que, dans le cas des pays connaissant un déficit du compte courant, ceux qui laissent flotter leur monnaie connaissent un ajustement plus rapide de leur solde courant que les pays qui l’ont ancrée sur une autre devise ; par contre, dans le cas des pays connaissant un excédent du compte courant, l’ajustement du solde courant s’opère à la même vitesse ou plus lentement pour les pays laissant flotter leur monnaie que pour ceux qui l’ont ancrée sur une autre devise.
Dans un second temps, Bergin et ses coauteurs ont étudié le rôle de la dynamique du taux de change dans l’ajustement asymétrique du compte courant en appliquant la méthode des projections locales à un ensemble plus restreint de pays pour lesquels ils disposent de données de fréquence trimestrielle. De nouveau, une asymétrie apparaît dans la dynamique du taux de change selon le signe du solde courant. En effet, un choc négatif touchant le compte courant entraîne une dépréciation du taux de change réel, tandis qu’un choc positif touchant le compte courant n’entraîne pas une appréciation significative du taux de change réel. Cette observation suggère que l’asymétrie de la réponse des taux de change aux déséquilibres du compte courant pourrait tenir à la « peur de l’appréciation » (fear of appreciation) évoquée par Eduardo Levy-Yeyati et alii (2013). En creusant davantage, Bergin et ses coauteurs notent que l’asymétrie observée dans la réponse des taux de change pour les excédents de comptes courants est spécifique aux pays qui laissent flotter leur monnaie tout en présentant une ouverture limitée de leur compte de capital et une forte accumulation de réserves de change.
Références
FRIEDMAN, Milton (1953), « The case for flexible exchange rates », in M. Friedman (dir.), Essays in Positive Economics, The University of Chicago Press, Chicago.