Les niveaux de dette publique et de dette privée ont fortement augmenté dans le sillage de la pandémie. En l’occurrence, les déficits publics se sont fortement creusés avec l’effondrement des recettes fiscales lié à la contraction de l’activité, l’activation des stabilisateurs automatiques et l’adoption de mesures discrétionnaires en vue de soutenir l’activité. Beaucoup craignent que cette hausse de l’endettement nuise à la croissance économique.
João Tovar Jalles et Paulo Medas (2022) ont observé comment se comportent le PIB et le PIB potentiel suite aux explosions de dette. Pour cela, ils ont appliqué la méthode des projections locales à un échantillon de données relatives à 190 pays pour la période allant de 1970 à 2020.
Leur analyse suggère que la production est durablement plus faible suite à une explosion du niveau de dette totale, mais ce n’est pas toujours le cas. L’ampleur et le signe de l’impact dépend de plusieurs facteurs, notamment du type de dette. En l’occurrence, ce sont les envolées de la dette publique qui sont suivies par les pires performances en termes de croissance. Les explosions de dette ne sont jamais suivies par une hausse de la production potentielle ; elles peuvent même décroître cette dernière.
L’effet respectif des explosions de dette publique et de dette privée dépend aussi des conditions économiques initiales. Les explosions de dette publique s’avèrent les plus nuisibles à la croissance lorsqu’elles ont lieu en situation de bonne conjoncture, en l’occurrence lorsque la production opère au-dessus de son potentiel. Ce résultat pourrait s’expliquer par l’adoption d’une politique budgétaire procyclique : un plan de relance adopté lorsque la production est à son potentiel pourrait n’avoir pour effet que de dégrader l’activité et les finances publiques. Quant aux explosions de dette privée, elles s’accompagnent d’une accélération temporaire de la croissance quand l’écart de production est positif.
L’impact des explosions de dette dépend aussi du niveau initial de dette totale. En effet, si le niveau initial de dette est élevé, une explosion de dette se traduit par une croissance du PIB 4 points de pourcentage moindre par rapport à une situation sans explosion de dette publique, tandis qu’une explosion de dette peut être associée à une accélération de la croissance sur quelques années si le niveau initial de dette est bas. En creusant davantage, Jalles et Medas notent que ce résultat tient aux seuls effets de la dette privée. Ainsi, les excès de dette privée pourraient s’avérer plus nuisibles aux perspectives futures de croissance que la taille de la dette publique.
Jalles et Medas ont enfin observé par quels canaux de transmission les explosions de dette tendaient à affecter la croissance future. Leur analyse suggère que les explosions de dette publique et de dette privée tendent à être suivies par une chute de l’investissement public et de l’investissement privé, ce qui suggère que les entreprises et les gouvernements réduisent leurs dépenses d’investissement lorsqu’ils se retrouvent en situation de difficultés financières. Les explosions de dette publique présentent aussi un effet négatif sur la consommation privée et publique. Cette observation pourrait s’expliquer par le fait que les gouvernements tendent à réduire leurs dépenses ou augmenter les impôts suite aux explosions de leur endettement ou que les ménages réagissent à ces dernières en comprimant leurs dépenses dans l’anticipation d’une hausse des impôts.
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