jeudi 7 juillet 2022

L’Afrique n’a pas tiré profit du boom des matières premières

La période allant de 2004 à 2014 a été marquée par un boom du prix des matières premières (cf. graphique) ; ils ont certes fortement chuté lors de la crise financière mondiale, mais ils ont ensuite rapidement rebondi. Ce boom a directement bénéficié à l’Afrique, dans la mesure où celle-ci est très abondante en pétrole, gaz et minéraux. La croissance économique des pays abondants en matières premières est passée de 4,6 % à 5,4 % par an. Les recettes que les gouvernements ont tirées de ces ressources ont augmenté en moyenne de 1,1 milliard de dollars par an ; elles représentaient environ 61 % de l’ensemble de leurs recettes.

Le boom des matières premières a pris fin en 2014. Les pays africains auraient pu exploiter les opportunités qu’il leur offrit pour se développer, par exemple en réinvestissant ou en épargnant les recettes tirées des exportations de matières premières. Mais pour James Cust, Alexis Rivera Ballesteros et Albert Zeufack (2022), ce n’est malheureusement pas le cas.

Ils estiment en effet que la plupart des pays africains abondants de matières premières se sont contentés de « consommer » le boom : ils n’ont pas diversifié leurs exportations et leurs actifs, ni accru leur richesse nationale, ce qui les a laissés démunis une fois le boom fini. Les indicateurs de dépendance aux matières premières indiquent que celle-ci s’est accrue au cours du boom. Ces constats suggèrent que ces pays ont connu un phénomène de maladie hollandaise. Dans tous les cas, la croissance des pays d'Afrique subsaharienne abondants en matières premières s’est effondrée avec la chute des prix des matières premières : elle a baissé de 2,7 points de pourcentage par rapport à son rythme durant le boom et elle a été inférieure de 1,1 point de pourcentage à celle observée dans les pays de la région qui ne sont pas abondants en ressources naturelles. 

Le boom laisse beaucoup de maux en héritage. Plusieurs pays africains abondants en matières premières ont connu une crise de la dette après 2014. Dans l’ensemble de leur groupe, la pauvreté et les inégalités de revenu avaient augmenté au cours du boom malgré la forte hausse de leur PIB : le nombre de personnes vivant dans la pauvreté extrême est passé de 280 millions à 294 millions entre 2004 et 2014. Avant même l’épidémie de Covid-19, l’effondrement des prix des matières premières a davantage alimenté la pauvreté : en 2030, d’après les prévisions de Cust et alii tenant compte de la pandémie, 75 % des personnes dans le monde vivant en situation de pauvreté extrême résideront dans les pays d’Afrique subsaharienne abondants en ressources naturelles, contre 13 % en 2000. 


Référence

CUST, James, Alexis RIVERA BALLESTEROS & Albert ZEUFACK (2022), « The dog that didn’t bark. The missed opportunity of Africa’s resource boom », Banque mondiale, policy research working paper, n° 10120.