jeudi 20 janvier 2022

La politique monétaire devient plus inclusive lorsqu’elle reste accommodante au plein emploi

Nittai Bergman, David Matsa et Michael Weber (2022) ont observé quels sont les effets de la politique monétaire sur les travailleurs lorsque ces derniers ne présentent pas le même degré d’intégration au marché du travail. Pour cela, ils ont étudié les données relatives à 895 zones d’emploi aux Etats-Unis pour la période allant de 1990 à 2019 en distinguant les travailleurs selon leur catégorie ethno-raciale, leur sexe et leur niveau de diplôme. Ils ont observé comment tendait à se comporter la croissance de l’emploi de différents groupes démographiques dans une zone d’emploi donnée en fonction, d’une part, du niveau des taux directeurs de la Réserve fédérale et, d’autre part, du degré de tensions dans cette zone d’emploi.

Bergman et ses coauteurs constatent que les populations les moins intégrées au marché du travail, en l’occurrence, les noirs, les peu diplômés et les femmes, réagissent d’autant plus à une politique monétaire expansionniste que le marché du travail est tendu : dans une telle situation, ces catégories de population reviennent plus facilement à l’emploi que lorsque le chômage est important. Cet effet s’avère en outre très durable. 

Ces constats plaident pour que la Réserve fédérale maintienne un certain temps sa politique monétaire accommodante lorsque l’économie américaine est revenue à une situation que l’on pourrait qualifier de plein emploi : le maintien d’une politique monétaire accommodante dans une telle situation permet à celle-ci d’être plus inclusive, en contribuant par ses effets sur le marché du travail à réduire les inégalités de revenu, de genre et ethno-raciales (Coibion et alii, 2017 ; Bartscher et alii, 2021). 

En outre, le maintien d’une politique monétaire accommodante au plein emploi tend peut-être à alimenter l’inflation, mais l’arrivée sur le marché du travail de personnes qui étaient jusqu’à présent inactives contribue à contenir celle-ci : dans la mesure où l’expansion monétaire accroît la population active, le maintien d’une production au-delà de son potentiel tend à renforcer ce dernier. Et bien sûr, la banque centrale pourra d’autant plus longtemps garder sa politique monétaire accommodante au plein emploi et ramener ainsi à l’emploi des personnes qui en étaient éloignées que la courbe de Phillips est plate, puisqu’une telle situation réduit le risque que l’inflation s’accélère. 

Enfin, comme le concluent Bergman et ses coauteurs, de tels constats suggèrent que la récente adoption par la Fed du ciblage de l’inflation moyenne à la place du ciblage strict de l’inflation est bénéfique aux travailleurs les moins intégrés à la vie active, dans la mesure où un tel cadre de politique monétaire réduit la nécessité pour la banque centrale de resserrer immédiatement sa politique monétaire si l’inflation s'accélère. 


Références

BARTSCHER, Alina K., Moritz KUHN, Moritz SCHULARICK & Paul WACHTEL (2021), « Monetary policy and racial inequality » , Federal Reserve Bank of New York, staff report, n° 959. 

BERGMAN, Nittai K., David MATSA & Michael WEBER (2022), « Inclusive monetary policy: How tight labor markets facilitate broad-based employment growth », NBER, working paper, n° 29651. 

COIBION, Olivier, Yuriy GORODNICHENKO, Lorenz KUENG & John SILVIA (2017), « Innocent bystanders? Monetary policy and inequality », Journal of Monetary Economics, vol. 88.