Antoine Bertheau, Edoardo Acabbi, Cristina Barceló, Andreas Gulyas, Stefano Lombardi et Raffaele Saggio (2022) ont cherché à déterminer dans quelle mesure le coût d’une perte d’emploi différait d’un pays à l’autre. Pour cela, ils ont constitué une base de données harmonisées relatives aux appariements entre employeurs et salariés dans sept pays européens, en l’occurrence l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Italie, le Portugal et la Suède, des pays caractérisés par des institutions du marché du travail différents. Ils se sont en l’occurrence penchés sur les conséquences de la perte d’un emploi de long terme, due à des licenciements collectifs ou fermetures d’établissements pour raisons économiques.
En analysant leurs données, Bertheau et ses coauteurs observent que les conséquences d’une perte d’emploi sont très différentes d’un pays à l’autre en Europe. Les travailleurs danois, suédois et français connaissent les plus faibles pertes de revenu suite à une perte d’emploi, tandis que les travailleurs italiens, espagnols et portugais connaissent les pertes de revenus les plus élevées, en l’occurrence trois fois plus élevées : cinq ans après la perte d’emploi, les revenus des premiers sont environ 10 % moindres que les revenus qu’ils gagnaient initialement, tandis que les revenus des seconds sont environ 30 % moindres (cf. graphique 1).
En poursuivant leur analyse, Bertheau et ses coauteurs concluent qu’une partie significative des différences dans l’amplitude de la perte de revenu qu’ils observent tient aux écarts dans les chances de retrouver un emploi. En effet, les travailleurs des pays du sud de l’Europe sont ceux qui ont la moindre probabilité de retourner à l’emploi suite à une perte d’emploi : environ 20 % des travailleurs n’ont pas retrouvé d’emploi cinq après leur perte d’emploi dans le cas de l’Espagne, de l’Italie et du Portugal, contre 5 % au Danemark et en Suède, 7 % en France et 10 % en Autriche (cf. graphique 2).
La baisse du revenu ne s’explique toutefois pas seulement par la moindre probabilité de revenir à l’emploi : ceux qui reviennent à l’emploi gagnent en moyenne un salaire moindre que celui qu’ils gagnaient avec leur précédent emploi. En ce qui concerne les pertes en termes de salaires, elles apparaissent moins dispersées entre le pays que les pertes en termes de revenu ou que la probabilité de revenir à l’emploi (cf. graphique 3). Pour la majorité des pays de l’échantillon, elles sont comprises entre 5 % et 10 % cinq ans après la perte d'emploi.
Bertheau et ses coauteurs ont cherché à mieux comprendre pourquoi ceux qui retrouvent un emploi tendent ce faisant à occuper un emploi moins rémunéré que le précédent. Ils concluent que les baisses de salaires occasionnées par la perte d’un emploi s’expliquent en grande proportion, comprise entre 40 % (dans le cas espagnol) et 95 % (dans le cas portugais) selon le pays, par la perte de la prime de salaire spécifique au précédent employeur.
Enfin, Bertheau et ses coauteurs constatent que les dépenses qu’un pays consacre aux politiques actives du marché du travail contribuent fortement à prédire les pertes de revenu occasionnées par une perte d’emploi : plus ces dépenses sont importantes, plus cette perte de revenu tend à être faible. D'autres facteurs institutionnels comme la couverture syndicale ou la législation de la protection de l'emploi ne présentent par contre qu'un pouvoir explicatif très limité.
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