Plusieurs études ont montré que l’arrivée du premier enfant était suivie chez les femmes par une baisse de leur taux d’activité, de leur temps de travail et de leur rémunération, et ce dans de nombreux pays (Kleven et alii, 2019b ; Kleven et alii, 2019a ; Kleven et alii, 2020 ; Meurs et Pora, 2019). Par exemple, en utilisant les données relatives à 29 pays, Inés Berniell et alii (2021a) ont conclu que le taux d’activité des femmes chutait en moyenne de 25 % après la naissance du premier enfant.
Ces divers travaux ne sont pas sans rencontrer des difficultés méthodologiques et leurs constats dépendent de plusieurs hypothèses cruciales. Par exemple, ils ont souvent cherché à identifier les répercussions de l’arrivée du premier enfant en faisant l’hypothèse que la naissance est exogène à la situation individuelle sur le marché du travail. Il se pourrait en outre que les effets décelés par ces études ne soient pas provoqués par la maternité, mais par d’autres événements qui surviennent généralement autour de l’arrivée du premier enfant, par exemple le mariage. La cohabitation avec le conjoint peut notamment amener les femmes à moins travailler ou de façon plus discontinue, par exemple en raison de la division genrée des tâches domestiques et/ou parce que la mutualisation des revenus et des dépenses rend moins nécessaire de travailler aussi longuement qu’auparavant. Enfin, des facteurs peuvent affecter à la fois la trajectoire future des femmes sur le marché du travail et leur fertilité. Si c’est le cas, les études devraient déceler des effets sur la trajectoire professionnelle pour les femmes qui ont donné naissance à leur premier enfant, mais aussi sur celles qui ont fait une fausse couche. De plus, la grossesse peut elle-même affecter la trajectoire sur le marché du travail, indépendamment de l’arrivée de l’enfant, par exemple en entraînant des interruptions de travail en raison de complications durant la grossesse. Si c’est le cas, une partie de la pénalité associée à la maternité pourrait être attribuée à la grossesse et non spécifiquement à la garde d’enfants une fois que ces derniers sont nés.
Graphique 1. Variation de la probabilité des femmes d’être en emploi relativement à l’année précédent le mariage (en %) Dans une nouvelle étude publiée par IZA, Inés Berniell, Lucila Berniell, Dolores de la Mata, María Edo, Yarine Fawaz, Matilde Machado et Mariana Marchionni (2021b) ont donc cherché à déterminer dans quelle mesure le mariage et la grossesse expliquaient respectivement la pénalité salariale associée à la maternité. En utilisant les données relatives à 29 pays, elles constatent que le mariage a un effet négatif sur l’emploi, mais que celui-ci est bien moindre en comparaison à celui exercé par le premier enfant. En effet, après avoir distingué deux groupes de mères, en l’occurrence celles qui ont eu leur premier enfant dans les deux années qui ont suivi le mariage et celles qui l’ont eu après, Berniell et ses coauteures observent que les secondes ont connu immédiatement une baisse de 3,3 % des chances de travailler suite au mariage, contre 23 % pour les premières ; puisque toutes les femmes de leur échantillon finissent par devenir mères, leurs trajectoires finissent par converger et par devenir non statistiquement différentes. En outre, la probabilité d’être en emploi diminue d’un quart suite à l’arrivée du premier enfant et cet effet ne diffère pas selon que l’on contrôle ou non le nombre d’années depuis le mariage (cf. graphique 2).
Graphique 2. Variation de la probabilité des femmes d’être en emploi (en %) Berniell et ses coauteures ont ensuite cherché à déterminer dans quelle mesure la grossesse ou d’autres facteurs corrélés avec celle-ci peuvent affecter la trajectoire des femmes sur le marché du travail. Pour cela, elles ont restreint leur échantillon aux femmes qui sont devenues mères au même instant, mais dont la première grossesse n’a pas été suivie par une naissance. Elles ont alors comparé la trajectoire professionnelle de celles qui n’ont pas eu un enfant dans les années consécutives à la fausse couche à la trajectoire de celles qui sont devenues mères brièvement après. Berniell et ses coauteures n'ont alors pas décelé d’effet statistiquement significatif sur l’emploi du premier groupe, alors que le second connaît une chute de 30 % de ses chances d’être en emploi, ce qui suggère que la grossesse en tant que telle ne semble pas jouer un rôle particulier dans les effets associés à la maternité.
Ces divers constats viennent conforter l’idée que la garde d’enfants explique bien davantage que le mariage et la grossesse l’éloignement des femmes de la vie active lorsqu’elles deviennent mères.
Références